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Lucrèce, DRN II, 216-291 : le clinamen n'est-il qu'un artifice ?

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Année 1993 130-131 pp. 28-34
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Lucrèce, DRN. II, 216-291 : le clinamen n'est-il qu'un artifice ?

La physique a fait de tels progrès depuis quelques siècles que, de nos jours, les affirmations des anciens en ce domaine prêtent souvent à sourire, y compris celles des épicuriens, alors même que ceux-ci font figure de précurseurs de la science moderne avec leur positivisme naturaliste, leur volonté de voir et d'observer, leur conception d'un monde infini à structure discontinue composé d'atomes. Il n'est certes pas surprenant que leurs conceptions n'aient pas été sans failles. Mais il n'est pas sûr pour autant que les objections qui leur ont été faites soient toutes pertinentes, ni, au cas où elles le seraient, qu'il ne vaille pas la peine de découvrir la source des erreurs qu'ils ont commises.

Cela est particulièrement net, croyons-nous, si l'on considère le clinamen : la déclinaison ou déviation des atomes. Epicure avait soutenu que, dans le vide, les atomes livrés à eux-mêmes tombaient suivant des trajectoires parallèles, mais qu'à un moment indéterminé tel ou tel d'entre eux pouvait décliner et dévier un tout petit peu. Il y avait vu à la fois l'origine des chocs et des combinaisons qui avaient abouti à la constitution de notre monde, et le fondement de la liberté (cf. Lucr. DRN. II, 216-291 ; Cic. Fat. 22-23). Ces points sont fondamentaux pour son système. Or ils ont été vivement critiqués dès l'antiquité. Cicéron, à la suite sans doute de bien d'autres censeurs, s'en est pris au moins trois fois à ce clinamen (1). Il soutint que c'était un artifice invraisemblable (DM). I, 69), puéril (Fin. I, 19) : il n'y aurait aucune raison pour que cette déviation soit petite plutôt que grande (Fin. I, 20 ; Fat., 46) ; surtout, si elle se produisait, cela impliquerait qu'il existe des effets sans cause (Fin., I, 19 ; Fat. 22 ; 46-47) (2), contrairement aux principes mêmes de la physique épicurienne (cf. Lucr., DRN. I, 205 ; II, 287) ; il en résulterait au mieux une « mêlée désordonnée », turbulenta concussio (Fin. I, 20) ; en être réduit à cet expédient pour résister à la fatalité reviendrait à démontrer l'universelle nécessité (Fat. 48). Epicure aurait donc soutenu une thèse absurde pour rien : il n'expliquerait ni la constitution du monde ni la liberté.

De nombreux modernes se sont montrés tout aussi sévères (3). Selon C. Bailey le clinamen est l'endroit le plus faible de la position épicurienne : il introduit une contradiction avec la majeure selon laquelle rien ne sort de rien, puisqu'il suppose une

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