SOCIO-GÉOGRAPHIE ET PROJETS DE DÉVELOPPEMENT RURAL
par Gérard Fay*
Après trois décennies de « lutte exceptionnelle » contre la faim et le sous-développement des campagnes, les années 84-85 resteront pour beaucoup celles des désillusions définitives. Dans le cadre limité de cet article1 nous nous attacherons spécialement aux projets pour constater qu'ils atteignent très rarement leurs objectifs même lorsque ceux-ci ont été soigneusement identifiés et que les moyens estimés nécessaires au départ ont été rassemblés.
Considérés souvent comme le fer de lance du développement2, les projets déçoivent régulièrement : ils se relaient inlassablement les uns les autres avec des « stratégies » et des aires d'intervention curieusement semblables.
De nombreuses raisons expliquent ces échecs et ces perpétuels « redémarrages », mais il en est une à laquelle nous sommes particulièrement sensible en tant que géographe : l'erreur méthodologique, à notre sens fondamentale, qui est fréquemment commise lors du choix et de la délimitation des zones d'intervention. Rarement explicités, parfois inconscients, les critères qui orientent ces « identifications » ou « formulations » engagent un grand nombre d'actions, dès leur démarrage, sur des voies sans issue.
Après avoir analysé ce biais à partir d'une série d'exemples, nous exposerons les lignes directrices d'une approche différente que nous avons personnellement mise en œuvre dans trois régions différentes du Maroc et du Mozambique.
* Géographe, Institut national d'Aménagement et d'Urbanisme, Rabat (Maroc). 1 . Version écourtée et remaniée d'une étude plus globale dont ENDA-Dakar a bien voulu assurer la publication intégrale (Fay, 1986). 2. Rappelons que, depuis quelques années, la coopération française se veut davantage une « coopération par projets ».
Revue Tiers Monde, t. XXVII, n° 105, Janvier-Mars 1986