POINT DE VUE SUR L'ÉVOLUTION
DE L'AGRICULTURE SOVIÉTIQUE
DEPUIS 1929
par François Labouesse*
Dans nos pays occidentaux l'agriculture soviétique a donné lieu depuis les années 50 à un grand nombre d'études et de commentaires, à des débats animés qui, loin de s'apaiser aujourd'hui, sont avivés par des manifestations récentes comme les achats importants de blé américain ou les récoltes records (1973, 1976 : plus de 220 millions de tonnes de céréales) alternant avec des résultats désastreux (1975 : 140 millions de tonnes).
La connaissance de cette agriculture se heurte chez nous à diverses difficultés spécifiques. Elle n'est d'abord certainement pas facilitée par l'interférence d'intérêts politiques et de controverses idéologiques très vives. En outre, nous n'en avons pas une véritable familiarité mais seulement une appréhension documentaire : personne chez nous n'est allé la vivre en y travaillant comme on peut l'avoir fait de l'agriculture algérienne ou brésilienne. Enfin, nous pouvons difficilement échapper à l'apprécier au travers des schémas techniques et sociaux auxquels nous sommes accoutumés.
Je voudrais ici apporter une contribution : celle d'un agronome essayant de réfléchir à la façon dont dans différentes situations un milieu physique, des techniques utilisées pour le mettre en valeur et la société qui le fait se déterminent mutuellement dans leurs formes et dans leur évolution. Je me situe donc, toute proportion gardée du fait des dimensions de cet article, dans un registre voisin de celui de deux personnes ayant fait état de leurs réactions de manière détaillée dans un passé plus ancien : Jean Chombart de Lauwe (1961) et René Dumont (1964). Si je les cite c'est qu'ils me semblent
* iNRA, Département d'Economie et Sociologie rurales, station de Montpellier.
Revue Tiers-Monde, t. XVIII, n° 70, avril-juin 77 4T3