D I D I E R D E M A Z I È R E – C L A U D E D U B A R

Sociétés Contemporaines (1997) n° 26 (p. 93-107)

93 DIRE LES SITUATIONS D’EMPLOI

CONFRONTATION DES CATÉGORISATIONS STATISTIQUES ET DES CATÉGORISATIONS INDIGÈNES

Décrire les situations d’emploi et les trajectoires professionnelles implique usuellement de recourir à des classifications établies et catégories officielles : nomenclatures des professions et catégories socioprofessionnelles, statuts d’emploi, etc. Ces conventions assurent une standardisation des données, nécessaire à la mise en oeuvre des procédures ordinaires du traitement statistique : mesure, agrégation, croisement de variables, etc. Ce que le registre technique désigne comme la codification, ou le chiffrement des données, est une opération sur le langage : il s’agit de réduire la diversité des modes d’expression des individus et de la traduire en une langue homogène et cohérente, fut-elle abstraite ou formelle. Cette standardisation est produite au cours de l’enquête, principalement au moment de la collecte des informations, donc durant les interactions entre l’enquêteur et l’enquêté. Or les modalités d’enquête ont des incidences sur les déclarations des individus et leurs manières de rendre compte d’attributs apparemment aussi triviaux que leur profession (Kramarz, 1991). En fait, les situations de passation de questionnaires sont des conversations, où les rôles sont nettement différenciés, de sorte que la production des réponses est toujours dialogique. La standardisation stricte apparaît alors comme un «mythe » , parce que l’oralisation du questionnaire suppose une mise en conversation (Achard, 199 4 ).