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La Cité heureuse de Franjo Petrić

[article]

Année 1984 56-1 pp. 9-15
Fait partie d'un numéro thématique : L'utopie dans le monde slave
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LA CITE HEUREUSE DE FRANJO PETRIĆ

PAR MICHEL AUBIN

Malgré la coloration utopique que donnent aux cultures yougoslaves les aspirations à l'unité qui s'expriment dès le XVIe siècle ou les projets sociaux et politiques contemporains, les littératures serbe, croate et Slovène ne comptent pas d'utopies au sens étroit du mot. On y chercherait en vain, à ma connaissance, le projet cohérent d'une société idéale. Le trait d'utopie classique que l'on cite, presque toujours et presque uniquement, est contenu dans un passage de la comédie Dundo Maroje du ragusain Marin Držić (1505-1567). Au tout début de la représentation un Nécromant bonimenteur s'adresse au public et évoque ses voyages qui l'ont tenu absent de Raguse. П est allé d'abord aux Grandes Indes, où les ânes, les hérons, les grenouilles et les singes sont doués de la parole, puis aux Petites Indes, où les Pygmées livrent combat à des grues, aux Nouvelles Indes, où l'on attache les chiens avec des saucisses, et, pour finir, aux Vieilles Indes. Le Nécromant décrit cette dernière contrée, accessible par le seul pouvoir de la magie, comme un jardin d'Eden1 dont les fruits sont à la portée de qui veut bien les cueillir. Là les mots

<r mien >

et <r tien » n'existent pas, tout est commun à tous, chacun est le maître de tout2 .

Sans aucun doute cette triple formule de Držić pourrait être le résumé lapidaire d'une utopie communiste. Mais les Vieilles Indes, comme l'indique son qualificatif, ne sont pas une contrée d'avenir. C'est le pays où s'est perpétué l'âge d'or, selon les propres termes du Nécromant, après la mort du bon vieillard Saturne. Son bonheur tient à la seule vertu d'hommes non encore corrompus par les vices, il rappelle le Royaume du Prêtre Jean où survivaient, selon la légende, les premiers chrétiens sauvés du péché originel. S'il y a utopie chez Držić, il s'agit d'une utopie régressive et surtout d'une « utopie sans espoir » qui n'a pas pour ambition une société nouvelle mais fustige par contraste l'envie et la cupidité, lot commun des citoyens de sa république marchande.

1. A. Vaillant a remarqué dans le motif des «Vieilles Indes» de Dundo Maroje l'influence d'un dit médiéval dont on ne possède plus que la version russe : « Сказание об Индии богатой » (Прилози за кньижевност, Beograd, 1964, III-IV, р. 269).

2. Stari pisci hrvatski, VII, Zagreb, 1930, p. 257) : « Tuj ne ima imena 'moje' i 'tvoje', ma je sve općeno svij eh, i svak gospodar od svega ».

Rev. Étud. slaves, Paris, LVI/1, 1984, p. 9-15.

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