Le De laude Sanctae Crucis de Raban Maur (Ms. 223) est sans conteste l'une des pièces les plus remarquables de la Bibliothèque d'Amiens. Ce manuscrit carolingien de Corbie présente en effet une longue série de miniatures, dont les plus importantes sont : le Christ en croix, le Christ-Roi et la présentation du livre à un prélat. Une seule miniature reparaît en tête du même texte, dans le Ms. 16 de la Faculté de médecine de Montpellier : l'image du Christ-Roi, à laquelle se superpose, comme dans le manuscrit d'Amiens, le texte en vers qui commence par
Rex regum, dominus mundum dicione gubernans...
écrit en lettres capitales mêlées d'onci- ales dans un dispositif carrelé. (Ce serait Louis le Débonnaire, d'après l'auteur du Catalogue, qui date le ms. du Xe-XIe s.). Le sujet a été repris
dans la 2e moitié du XIIe siècle à Anchin (Douai, Ms. 340). Respectant scrupuleusement ce qui lui paraissait intangible : les panneaux couverts de texte de son modèle, il a légèrement adapté quelques éléments décoratifs (p. ex. le vêtement du Christ-Roi), les attitudes et détails anatomiques, et enrichi les encadrements. Mais il toute sa liberté dans les externes, comme les initiales ou compositions à personnages où il reste fidèle aux goûts de son temps, d'ailleurs brillamment représentés ici. Il sera intéressant d'y revenir avec des détails, en rapprochant ce cas de celui de l'enlumineur de Saint-Amand qui illustra des Evangiles (Ms. du Musée Mayer-Van den Bergh, à Anvers) en adaptant à peine un modèle carolingien voisin de l'Evangéliaire d'Ebbon.
André BOUTEMY