SCIENCES DE LA SOCIÉTÉ n* 32 -Mai 1994
L'ENTREPRISE À LA PORTE DE L'UNIVERSITÉ
Alain PAYEUR *
Nous voudrions ici proposer une réflexion sur l'évolution actuelle de l'Université du fait de l'intensification de ses contacts avec l'entreprise. N'en sommes-nous pas à l'heure, décidément très postmoderne, où une uni¬ versité privée est en train de naître ? La presse s'en est fait l'écho : «M. Pasqua s'offre une université » titrait Le Monde. Ce qui nous retient, au-delà du miroitement d'une certaine actualité, c'est l'idée que l'Université entre en mutation. C'est ce qu'il faudrait saisir derrière les mots d'«institut polytechnique », d'«université privée », d'«université entrepreneuriale » 2, qui cherchent, ici ou là, à en donner une première approximation.
Lyotard (1988) formule à ce propos des réserves. À nous de tenir compte de son avertissement. Il établit un lien entre cette évolution et un
* Professeur agrégé de Techniques d'expression à l'Université du Littoral, chercheur au GERICO, Université de Lille 3 (BP 149 -59653 Villeneuve d' Ascq Cedex).
1. Le Monde, 25 juin 1992, p. 13. Ce projet est celui d'un pôle universitaire départemental géré par une association loi de 1901, créée en octobre 1992. Il ouvrira ses portes en 1994 dans les Hauts-de-Seine : 50 000 m2 pour 5 000 étudiants acquittant 30 000 F par an de frais de scolarité, le coût par étudiant étant évalué à 60 700 F. Son «adaptation aux besoins des en¬ treprises ne fait pas du pôle un simple instrument aux mains du patronat, formant des per¬ sonnes pour les besoins instantanés de celui-ci. Le pôle universitaire à l'œil sur la formation générale, les "langages" (expression écrite, ou orale, informatique, langues étrangères) autant que sur les débouchés » peut-on lire dans un article de la presse locale (92 Express, juin 1993, n° 42, p. 30).
2. Smilor, Dietrich et Gibson (1993) présentent quelques traits de l'université entrepreneu¬ riale aux États-Unis ; elle serait caractérisée par «une participation plus directe à la commer¬ cialisation des activités de recherche, une implication active en faveur du développement économique régional, une conception de programmes davantage axée sur la solution des problèmes, la prise en compte des données, enfin l 'application au fonctionnement de l'université du principe de la gestion pour la qualité totale » (p. 3).
