DES RELIGIONS AUX IDEOLOGIES : « SÉCULARISATION » DE L'INTOLÉRANCE

Que les religions aient engendré — et continuent d'engendrer ici ou là — des formes particulièrement spectaculaires d'intolérance, nul ne le conteste. Pourtant, on s'avancerait beaucoup, selon moi, en en concluant péremptoirement que toute religion est, de soi et forcément, intolérante. L'observation des faits conduit plutôt à se demander sous l'influence de quels facteurs et en fonction de quels mobiles des groupes religieux en viennent à afficher des conduites intolérantes.

C'est cette perspective que j'adopte ici en m'efforçant de repérer et d'analyser les traits spécifiques de l'intolérance religieuse (distinguée, par exemple, de l'intolérance sociale, ethnique ou politique). Le processsus de sécularisation qui marque nos sociétés m'invite à confronter l'intolérance d'origine religieuse à celle que sécrètent bon nombre d'idéologies modernes et contemporaines. A son tour, cette étude comparée suggère l'idée d'une sorte d'homologie structurelle. Autrement dit, ne faut-il pas rechercher l'explication du phénomène en-deça, si l'on peut dire, et du monde religieux et des systèmes idéologiques ? Hypothèse que je formule sous bénéfice d'inventaire et qui appelle au préalable plusieurs précisions d'ordre sémantique et épistémologique.

Questions de vocabulaire et de méthode

J'entends par intolérance l'attitude qui, non seulement dénie à l'autre le droit d'avoir des opinions et des convictions différentes, mais cherche à empêcher, y compris par la force, toute manifestation de ce droit. La notion d'intolérance inclut ces deux éléments, mais elle se vérifie aussi