«L'INEXORABLE APPEL»
OU LE DRAME DE LA VOCATION DE CLAUDEL
Sous le « soleil nouveau » de l'Extrême-Orient où il lui est donné de vivre depuis juillet 1895, Claudel ne se sent pas moins isolé que dans le «désert d'Amérique» (1). Mais cette solitude relative ne favorise-t-elle pas le recueillement dans lequel, étrangère au « bruit des hommes» (Po., 15), l'âme se trouve conviée à se plonger? Car durant ce séjour en Chine, qui prendra fin en octobre 1899, « la lutte de l'invisible contre tout le visible » (2) revêt une signification particulière pour le poète exilé. Depuis un certain temps déjà, le converti de Notre-Dame croit entendre et reconnaître une voix qui le sollicite
(1) Dans son Journal (« Bibl. de la Pléiade », Paris, Gallimard, 1960, p. 270), Jules Renard rapporte tel propos de Claudel : « Vous ne savez pas ce que c'est que la solitude. Moi, je l'ai connue dans un désert d'Amérique, à 80 kilomètres de Boston, où mon ami le violoniste composa un air où le désert était tout entier. » (Journal de J. R., 13 mars 1895). On connaît le dernier vers le la première strophe de la pièce I des Vers l'exil : « Maintenant je suis seul sous un soleil nouveau. » (Po., 15)
— Les œuvres de Claudel seront désignées au cours de cette étude par les abréviations suivantes : I, 616 = Théâtre, « Bibliothèque de la Pléiade » (Gallimard), tome I (1956), p. 616 ; II, 31 = Théâtre, ibid., tome II (1965), p. 31 ; Po., 15 = Œuvre poétique, ibid., 1967, p. 15 ; Pr., 801 = Œuvres en prose, ibid., 1965, p. 801 ; Oe. XXII, 162 = Œuvres complètes (Gallimard), tome XXII, p. 162 ; M. I., 180 = Mémoires improvisés, quarante et un entretiens avec Jean Amrouehe, texte établi par Louis Fournier, coll. « Idées », Paris, Gallimard, 1969, p. 180 ; J., I et II = Journal, I (1904- 1932) et II (1933-1955) — Introduction par F. Varillon — Texte établi et annoté par F. Varillon et J. Petit, « Bibliothèque de la Pléiade », Paris, Gallimard, 1968 et 1969.
(2) Cf. lettre de P. C. à André Gide (Tientsin, 8 juillet 1909), dans Paul Claudel et André Gide : Correspondance 1899-1926. Préface et notes par Robert Mallet, Paris, Gallimard, 1949. p. 106.
