Danielle BOUVEROT

L'« expression » en peinture et en musique (1830-1850)

A la lecture des critiques d'art, dans les années 1830-1850 \ l'« expression » apparaît comme une valeur reconnue aussi bien en peinture qu'en musique. Pour vérifier cette observation, nous sélectionnons des citations tirées d'articles publiés dans la presse spécialisée ou non, et signés ou non par les « journalistes » 2. Les constatations sur ce corpus critique méritent d'être vérifiées ailleurs, notamment dans les textes littéraires choisis pour la base de données « Frantext » 3. D'autres informations sont à chercher dans les dictionnaires, spécialisés ou non. La confrontation de ces trois types de discours sur l'art devrait éclairer la notion d'expression comme critère de jugement esthétique.

C'est d'abord dans les textes critiques consacrés à la musique et aux arts plastiques que le mot expression attire l'attention. Nous commençons par la critique picturale en donnant un certain nombre d'exemples d'abord diversifiés, puis empruntés à un seul auteur, Mérimée, pour la seule année 1839, à l'occasion du Salon. La liste est donnée par ordre chronologique, avec la référence des périodiques ; le mot expression est en caractères gras et l'italique signale les termes associés sur lesquels porte le commentaire. La première série regroupe des textes divers, pour la plupart non signés, censés représenter la critique d'art en général.

1 - à propos du peintre Chopin, dit Schopin : « M. Schoppin (sic) possède assez de ressources de main et de vrai talent pour arriver à /'expression sans passer par la grimace, et à la couleur sans emprunter les lanternes du machiniste », Le Temps, 30/4/1835 ;

2 - « Le Charles X de M. Monvoisin se distingue à cette exposition comme sa Jeanne la Folle s'est distinguée au salon dernier, par des qualités incontestables d'expression et de couleur. M. Monvoisin est certainement l'un de nos peintres les plus dramatiques, dans la meilleure acception du mot. Ses productions frappent presque toutes fortement, sans qu'il ait recours, ou plutôt parce qu'il n'a pas recours, aux contorsions et aux grimaces », Journal des artistes, 1835, I, p. 147 ;

3 - à propos de Decaisne : « Les expressions sont généralement bonnes, mais le dessin est lâché comme d'ordinaire, et la couleur n'a que peu de vérité et de solidité », Journal des artistes, 1835, I, p. 258 ;

4 - « L'exposition des prix de torse et de la tête d'expression fait faire une bien triste réflexion sur la manière dont les études sont dirigées chez les professeurs de peinture. On y copie le modèle sans goût, sans style, et ce modèle est lui-même choisi dans des natures ignobles. [...] la tête d'expression a été aussi faiblement rendue, Journal des Beaux- Arts, 1835, p. 229 ;

ROMANTISME n°71 (1991-1)