Daniel HAAKONSEN Henrik Ibsen, dramaturge.

« On ne comprend pas assez : un auteur de passion doit être joué avec passion, point autrement ».

Ibsen à Lugné-Poe

Ce fut en 1 867 que parut la première étude sérieuse sur Ibsen, écrite par le plus grand critique Scandinave, Georg Brandes, et marquant pour longtemps la critique ibsenienne en général. D'autant plus que Brandes la compléta par trois autres publiées ensemble en 1906. Dans la première étude se trouve une présentation du théâtre d'Ibsen jusqu'à et y compris Brand (1 866), plus un portrait de l'homme. Or, Brandes trace une image peu flatteuse d'Ibsen. Selon lui, le poète aurait été marqué pour la vie par les forces contraires qui avaient dominé ses jeunes années. Le père d'Ibsen perd en effet toute sa fortune lorsque Henrik a 7 ans. Jusque-là, la famille fait partie d'une classe sociale relativement élevée, menant une vie de société à Skien, petite ville sur les bords du fjord d'Oslo. D'un coup, elle perd avec la fortune son statut social, et, pire encore, est condamnée à la misère. A partir de ses seize ans, Henrik doit se suffire à lui-même et misérablement gagner sa vie comme sous-aide dans une pharmacie à Grimstad, toute petite ville sur les bords de la Mer du Nord. Dès ses 18 ans, il doit aussi subvenir à l'entretien de l'enfant qu'il a eu avec une servante. Des difficultés financières le persécutent encore durant les longues années d'apprentissage près des théâtres de Bergen et de Christiania (Oslo). Il se marie en 1858 et entre en même temps dans une crise personnelle dont il guérit avec grande peine. Enfin, en 1864, une bourse lui permet d'aller avec sa famille à Rome, et c'est là qu'il fait l'expérience d'un sentiment de liberté inconnu jusqu'alors et bientôt aussi il y aura du succès poétique et financier avec Brand (1866) et Peer Gynt (1867). Sa vie peut en effet être répartie en deux phases, celle d'avant et celle d'après Rome. A partir de là, il se consacre tout entier à sa mission poétique, passion exclusive dans sa vie, bien que l'on note une brève et violente histoire d'amour (1889) avec une jeune fille autrichienne, Emilie Bardack, ainsi qu'une longue et tendre amitié avec une pianiste norvégienne, Hildur Andersen. C'est à la littérature qu'il donne tout son temps et toute sa concentration, menant une vie de famille régulière et retirée en Italie et en Allemagne d'abord, puis à partir de 1891, en Norvège. Durant les dernières années de sa vie, il assume avec patience son rôle de symbole public, se protégeant toutefois derrière un réseau de coutumes et de routines irréversibles. Sa santé sera fortement affaiblie par des attaques d'apoplexie. Il meurt en 1906.

Pour Georg Brandes, tout commence chez Ibsen par les déceptions dont avait souffert le jeune Henrik avant son départ pour l'Italie. Et le critique de représenter par conséquent le dramaturge comme un sévère prophète compensant ses expériences personnelles amères en confrontant ses personnages, ainsi que le genre