Situation clu romantisme allemand (1780-1820)
Romantisme 1/2 (1971) évoquait l'impossible unité romantique et le domaine allemand n'échappe pas à Vaporie classificatoire maintes fois constatée. Les synthèses connues à ce jour ont cependant le mérite d'exhiber justement dans les inévitables glissements, sutures et distorsions qu'elles font subir aux corpus {dont les limites sont par ailleurs incertaines) le problème posé. Par exemple, Georg Lukâcs dénonce en 1945 cette « erreur de fond » qui consisterait dans l'assimilation du romantisme à une tendance féodalisante alors que le mouvement relève clairement de la bourgeoisie 1. D'un point de vue socio-critique, la méthode s'avère à la fois correcte et imprécise. En effet, s'il ne s'agit pas seulement d'origine de classe (bien que plusieurs chefs de file soient issus de la bourgeoisie) ou d'attitudes ponctuelles (Friedrich Schlegel soutiendra Metternich et Chamisso passera au contraire dans l'opposition), qu'en est-il de ce « contenu social » où s'élabore le critère d'analyse retenu par Lukâcs (il parle encore d'être social du romantisme)? Et plus simplement: qu'est-ce que la bourgeoisie allemande à la fin du XVIIIe siècle et au début du XIX* si Von tente d'éviter l'écueil ontologisant et mécaniste du dogme en dernière instance a-critique ? Les Prolégomènes d'Helmut Bôhme à une histoire économique de l'Allemagne soulignent le lien indissociable des manufactures encore rares dans la période à l'économie de résidence fondée sur le clientélisme princier qui s'oppose idéologiquement à l'appât du gain des « fabricants » isolés 2. En l'absence d'un marché intérieur substantiel et de l'apparition de besoins nouveaux, la notion d'équité politico-économique s'impose, le prince garantissant l'équilibre entre les sujets. Certes l'intrusion napoléonienne (1806) précipitera la mise en question d'une structure généralement agraire parce que le territoire allemand malgré le morcellement extrême de son articulation géopolitique ne peut résister aux bouleversements successifs dont le rapport de forces européen induit partout les effets (blocus continental).
On peut même affirmer avec Claudia von Braunmu'hl que la transition du féodalisme au capitalisme sera en Allemagne essentiellement provoquée du dehors 3. Cependant, la « libération » des couches populaires (pseudo-affranchissement de la paysannerie) se réalisera dans le cadre toujours féodal d'un Etat bureaucratique ; les réformes viennent de cet appareil, se heurtent dans leur application aux privilèges de la noblesse invariablement hégémonique et ne jouissent même pas du soutien des artisans menacés dans leur existence par la rationalisation des guildes. C'est le désir de restauration qui triomphera vers 1840. Plutôt que de bourgeoisie dans le cas des écrivains romantiques on parlera donc d'un ordre socio-idéologique, il se définit généralement par une fonctionnarisation relative dans la principauté (appareils d'Etat
