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Invitation au voyage

[article]

Année 1972 4 pp. 2-3
Fait partie d'un numéro thématique : «Voyager doit être un travail sérieux.»
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Invitation au voyage

Heureux l'homme, occupé de l'éternel destin. Qui, tel un voyageur qui part de grand matin, Se réveille, l'esprit rempli de rêverie, Et, dès l'aube du jour, se met à lire et prie !

Victor Hugo, Les Contemplations, I, XXIV.

Poésie de la lecture, poésie du voyage, voilà à quels plaisirs nous invitons celui ou celle qui feuillette la présente livraison de Romantisme. Plaisirs étroitement conjugués, auxquels toutefois il convient d'ajouter immédiatement un troisième : celui de l'écriture. Le voyageur déchiffre l'univers comme un texte, mais quitte à tracer un itinéraire comme sur le papier la plume dépose lettres et lignes. Interroger «l'éternel destin», au risque d'affronter le vide, revient à vivre la grande aventure humaine des signes.

Mais combien d'autres termes, privilégiés par le poète, entrent en résonance harmonique avec la note fondamentale du voyage ! Le voyage est une prière, car il est approche du sacre : celui qui ne se contente pas d'interroger les signes et veut passer outre est un initié, et c'est pourquoi « ceux de la route » vivent selon le mode hiérophantique de l'oxymoron, de la coincidentia oppositorum. Et quand on ne passe pas outre, il reste que l'on voit : l'on se meut dans un espace qui est un théâtre d'ombres — à moins que ce ne soit plutôt un lieu de projections. Car là se dessine la grande ambivalence : est-ce en soi, est-ce dans le monde que l'on voyage ? L'univers visionnaire est tout près d'être un univers intérieur.

Dans le monde clos de l'intimité, les verbes voyager et rêver finissent donc par se confondre, que l'on voyage « en chambre » selon l'axe vertical du songe, ou que l'on accueille en soi, selon les lois de l'hospitalité, un monde dès lors hospitalier à son tour. Voyager n'est pas nécessairement sortir de soi, et s'écrire — pour une George Sand, par exemple — c'est donc se découvrir voyageur, de même que voyager, c'est se découvrir écrivain.

A travers les multiples chemins du Voyage, tel est — fort schématique- ment — l'itinéraire que tracent les collaborateurs du numéro qu'il me revient de présenter. Itinéraire qui, visiblement, est très incomplet (mais quel voyage ne nous laisse pas sur notre faim?). Itinéraire qui se retourne sur lui-même en plusieurs endroits, sans du reste aboutir, sans conduire à un terme (car l'exploration est infinie). Là, peut-être, est tout le plaisir; car on sait que celui qui voyage pour arriver n'est pas un voyageur.

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