JACQUES BERNET

L'élection de l'évêque et des curés constitutionnels dans l'Oise sous la Révolution

(1791-1793)

Parmi les dispositions les plus hardies — et contestées — de la Constitution civile du Clergé adoptée par l'Assemblée Nationale le 12 juillet 1790, figurait assurément le nouveau mode de désignation des prêtres chargés d'âmes, évêques et curés, soit l'élection par les citoyens (actifs), substituée à la nomination royale pour les premiers, à celle des collateurs des paroisses pour les seconds. Certes, malgré le précédent des Eglises presbytériennes et les références aux pratiques du « christianisme primitif » cher aux jansénistes, il s'agissait là d'une mesure révolutionnaire, que les cahiers de doléances les plus audacieux n'avaient guère suggérée au printemps 1789. Ce choix avait pourtant sa cohérence logique pour les Constituants, qui, comme l'a montré Albert Mathiez, loin de privatiser l'Eglise, l'avaient en quelque sorte « nationalisée », tout en replaçant les clercs dans le droit commun des citoyens, en particulier les séculiers dont les fonctions sociales étaient reconnues au même titre que celles de tous autres « fonctionnaires publics »l. Cette conception novatrice, qui rompait avec une longue tradition et lésait bien des intérêts, ne pouvait, bien évidemment, être aisément acceptée par les prélats attachés à leurs prérogatives et les partisans de l'ancien régime clérical2. André Latreille a ainsi résumé la philosophie du nouveau système :

« Tous les pasteurs de l'Eglise devront, à l'avenir, être désignés par élection : les évêques et les curés seront élus dans la même forme que les députés ou les fonctionnaires, par les citoyens actifs (ceux qui payent le chiffre d'impôt requis) soit à l'assemblée électorale du département (pour les évêques) (N.D.L.R.) soit au district (pour les curés) (N.D.L.R.) »3.

REVUE DU NORD, TOME LXXX - Nos 326-327, JUILLET-DÉCEMBRE 1998, P. 637-655