R.I.D.C. 3-1987
LA PROTECTION DES DONNÉES PERSONNELLES
ASPECTS DE DROIT PRIVÉ FRANÇAIS
par
Pascal ANCEL Professeur à la Faculté de droit de Saint-Étienne
La première remarque qui vient à l'esprit au moment d'aborder l'étude de la protection des données personnelles sous ses aspects de droit privé est que ces aspects, en France, ne semblent pas beaucoup intéresser les privatistes. Le développement de l'informatique a suscité très tôt des interrogations et des inquiétudes dans le domaine des relations des individus et de l'État, de la puissance publique : on a redouté, sans doute à juste titre, les abus d'un pouvoir étatique qui disposerait d'informations complètes, ordonnées et facilement accessibles sur tous les citoyens (1). On s'est beaucoup moins inquiété des dangers, non moins certains, que l'informatisation de la société pouvait faire courir aux individus dans leurs rapports avec d'autres personnes privées, spécialement de celles qui détiennent déjà le pouvoir économique. Et c'est pourquoi, sans doute, la question de la protection des données personnelles semble avoir été abandonnée aux spécialistes du droit administratif et des libertés publiques (2). Si les juristes de droit privé
(1) V. par ex. avant la loi du 6 janvier 1978 les débats suscités par le projet SAFARI (cf. G. VEDEL, « Droit, informatique et libertés », Le Monde 12 et 13 octobre 1975) ; depuis la loi v. A. VITALIS, Informatique, pouvoir et libertés, Economica, 1981.
(2) V. notamment les travaux de H. MAISL, « La maîtrise d'une interdépendance (Commentaire de la loi du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés) », J.C.P. 1978. I. 2891 ; « La modification du droit sous l'influence de l'informatique : aspects de droit public », (Rapport à l'Académie internationale de droit comparé, Caracas 1982), J.C.P. 1983. I. 3101 ; et en collaboration avec F. GALLOUEDEC-GENUYS, Le secret des fichiers , Cujas, 1978 ; adde les commentaires de la loi de 1978, C. DEBBASCH, R.D.P. 1978, 1094 ; A.HOLLEAUX, Rev. adm. 1978, pp. 31 et 160 ; A. de LAUBADÈRE, A.J.D.A. 1978, p. 146.
