REVUE D'HISTOIRE et de PHILOSOPHIE RELIGIEUSES Vol. 69, 1989/1 p. 43 à 49

L'UNIVERSITÉ ET LE SAVOIR

L'université et le savoir : il faut avouer que ce titre est un peu surprenant. En particulier l'article singulier le, un singulier quelque peu... singulier. Car peut-on parler aujourd'hui d'un savoir unique, ou sinon cohérent, qui serait l'apanage de l'université ?

Pensons d'abord à tout ce que la société attend de l'université : sonder de nouvelles galaxies, trouver un remède contre le cancer, éditer Beaudelaire, former des ingénieurs, inventer des méthodes pour réduire l'échec scolaire, parler de l'être de l'étant... Oui des attentes, sans doute légitimes et souvent comblées d'ailleurs, mais dont on voit mal ce qu'elles ont de commun.

On dira qu'il s'agit d'un malentendu, que lorsque l'université est vraiment elle-même, à l'abri des bruits confus du monde, alors l'unité du savoir apparaît dans toute sa splendeur. Chacun sait qu'il n'en est rien ! Le savoir universitaire, en admettant qu'il a été un au départ, progresse comme la vie, en se différenciant, en se spécialisant, au point qu'on assiste à une prolifération de savoirs éclatés. D'ailleurs le langage lui-même en témoigne, puisque aujourd'hui il n'y a plus de savants, sauf dans les bandes dessinées, mais seulement des spécialistes, dont on se demande ce qui leur permet encore de communiquer entre eux.

Et pourtant, le savoir est l'affaire essentielle de l'université, qu'il s'agisse de le trouver ou de le diffuser. Alors, si l'université ne peut plus définir ce qu'elle sait, résumer tous ses savoirs en un concept unique, c'est que l'université est en crise, et que cette crise est pour l'essentiel une crise d'identité. Une crise qui concerne avant tout les universitaires.