REVUE D'HISTOIRE ET DE PHILOSOPHIE RELIGIEUSES

Sur le nom et la personnalité des dieux dans les religions primitives

La notion de «personnalité » qui nous est familière et chère peut-être, est d'origine relativement récente. Dans les religions primitives et antiques, on ne trouve point de «personnalités », mais seulement des volontés et des formes {Gestalten) . Et la volonté que l'homme trouve dans les forces qui l'environnent, qui l'assaillent ou bien le soutiennent, n'a même pas toujours de forme, soit humaine, soit animale. Il est vrai que l'homme, en rencontrant dans sa vie une force supérieure, s'efforce de donner des contours à cette expérience, pour mieux la distinguer des autres de la même sorte. C'est ce qu'il accomplit en lui donnant un nom. Car le nom n'est point seulement une désignation, mais l'essence d'une expé¬ rience, renfermée dans un mot. Quand Jahvé eut créé les animaux, il les apporta à Adam. Et celui-ci lui dit quelque chose, et ce qu'il dit, ce fut leur nom (1). Le nom des choses existe bien avant qu'elles acquièrent une «personnalité ». Le nom de Dieu est là bien avant que l'homme ne croie en «Dieu ».

Dans le nom se réflète l'expérience d'une force, qui ne doit pas toujours être douée d'une volonté. L'extraordi¬ naire, le surprenant peut acquérir un nom et pourtant rester de la force pure, du mana. Des cèdres très grands sont des «cèdres d'El » (2). Le langage des jurons a con¬ servé cette application primitive du nom pour désigner