LE TRAVAIL ET SON MONDE :
TRANSITION HISTORIQUE (1750-1850)
ET REPRÉSENTATIONS HISTORIENNES (1850-1990)
A partir de la fin des années soixante plusieurs historiens ont de différentes façons entrepris de rechercher les origines de la classe ouvrière française. Consacré à la naissance de cette dernière, un numéro spécial du Mouvement Social de 1976, rendait compte d'une partie des travaux initiés en ce domaine1. Examinés dans le cadre d'une entreprise comme celle d'Oberkampf à Jouy-en-Josas entre 1760 et 1815 ou dans celui d'un espace géographique, agglomération ou région industrielle, celle de Corbeil-Essonnes par exemple entre 1750 et 1850, les sujets que se donnaient des historiens comme Serge Chassagne, Alain Dewerpe ou Yves Gaulupeau questionnaient deux lieux communs de la pensée historienne française dont les formulations se rejoignaient sur le concept de révolution2.
Dans le déroulement de la révolution industrielle d'une part, l'étude des changements sociaux prenait le pas sur celle des mutations économiques qu'ils accompagnaient, par le biais de l'attention portée au recrutement des premiers ouvriers. D'autre part, la vision de la Révolution française comme césure entre un Ancien Régime aux rigidités insurmontables et un premier XIXe siècle correspondant à l'arrivée au pouvoir de la bourgeoisie et à la mise en place du mode de production capitaliste était indirectement mise en question. L'évolution de la société française au cours de la période 1750-1850 a été en effet longtemps envisagée à travers le prisme du processus politique de la Révolution. A partir des années 1950 l'analyse des dynamiques sociales s'est trouvée par ailleurs faussée par un angle de vue économique et une méthode reposant sur les seules données quantitatives, privilégiant notam-
1. Cf. La présentation de Rolande Trempé, Le Mouvement Social, n° 97, 1976, p. 3-12.
2. Serge Chassagne, Alain Dewerpe, Yves Gaulupeau, « Les ouvriers de la manufacture de toiles imprimées d'Oberkampf à Jouy-en-Josas (1760-1815) », p. 39-88 ; Serge Chassagne, « La formation de la population d'une agglomération industrielle, Corbeil-Essonnes (1750-1850) », p. 89-108 ; cf. aussi la contribution d'Yves Lequin qui, bien que ne concernant que le XIXe siècle, est essentielle pour la remise en cause de l'idée de rupture dans le processus social de constitution du prolétariat, « La formation du prolétariat industriel dans la région lyonnaise au XIXe siècle : approches méthodologiques et premiers résultats », p. 131-8.
Revue d'histoire moderne et contemporaine, 44-4, octobre-décembre 1997.
