CONTRATS D'APPRENTISSAGE DU XVIIIe SIÈCLE : QUELQUES ENSEIGNEMENTS D'UNE MOISSON AQUITAINE
Dans son traité d'éducation, J.J. Rousseau veut qu'Emile devienne pour toutes les raisons qui intègrent l'apprentissage d'un métier à celui de la vie et font de tout être humain un apprenti, quels que soient ses origines, sa vocation et son destin : « Malheureusement nous ne pouvons passer tout notre temps à l'établi. Nous ne sommes pas apprentis ouvriers, nous sommes apprentis hommes, et l'apprentissage de ce dernier métier est plus pénible et plus long que l'autre. Comment ferons-nous donc ? Prendrons-nous un maître de rabot une heure par jour comme on prend un maître à danser ? Non. Nous ne serions pas des apprentis mais des disciples et notre ambition n'est pas tant d'apprendre la menuiserie que de nous élever à l'état de menuisier. Je suis donc d'avis que nous allions toutes les semaines une ou deux fois au moins passer la journée entière chez le maître, que nous nous levions à son heure, que nous soyions à l'ouvrage avant lui, que nous mangions à sa table, que nous travaillions sous ses ordres et qu'après avoir eu l'honneur de souper avec sa famille, nous retournions, si nous voulons, coucher dans nos lits durs. Voilà comment on apprend plusieurs métiers à la fois et comment on s'exerce au travail des mains sans négliger l'autre apprentissage ». Cependant, à l'époque de Rousseau, les vrais apprentis ayant passé contrat ne sont, à l'égal des collégiens, qu'une infime minorité par rapport aux adolescents promis comme leur père aux travaux de la terre ou voués comme lui au même métier appris à ses côtés sans autre lieu de travail que la boutique ou l'atelier paternel.
Observatoires aquitains de l'apprentissage
Le nombre des contrats étudiés ne saurait encore être suffisant même si les observatoires choisis présentent une réelle complémentarité. Les deux premiers sont semblables à bien des égards : il s'agit des basses vallées fluviales de la Dordogne et de la Garonne, à l'exception de la ville de Bordeaux \ Les
1. Anne-Marie Cocula, «Contrats d'apprentissage à Langon et autour de Langon dans la seconde moitié du xvine siècle », Fédération historique du Sud-Ouest, Périgueux, 1971, p. 107-124 ; « Les contrats d'apprentissage : une source à la confluence de l'économie et de la société d'Ancien Régime », Bulletin de la Société d'Histoire Moderne, n° 1, 1978, p. 6-12 ; Un fleuve et des hommes : les gens de la Dordogne au xvme siècle, Paris, 1981, 524 p.
Revue d'histoire moderne et contemporaine, 40-3, juillet-septembre 1993.
