UN DOSSIER DE LETTRES INÉDITES DE CHATEAUBRIAND

Les archives privées ne cesseront jamais de nous étonner par l'imprévu de leur apport. La gerbe de documents qu'il nous est donné de publier ici intéressera non seulement les historiens mais aussi les littérateurs, puisqu'ils émanent de Chateaubriand, ministre des Affaires Etrangères.

Ces lettres étaient conservées dans les papiers du duc de Car aman, ambas¬ sadeur à Vienne de 1816 à 1828, et nous en devons la communication à la bienveillante amitié de notre cousine, Madame Maurice Firino-Martell, née du Bouchage, descendante directe de ce personnage. Elle a bien voulu en permettre la publication dans cette revue, et tous ses lecteurs lui en seront profondément reconnaissants.

Puisqu'il ne saurait être question de refaire ici l'histoire diplomatique de l'intervention française en Espagne, notre rôle doit se borner à indiquer brièvement les circonstances dans lesquelles ces missives ont été écrites et donner les renseignements d'ordre biographique ou autres qui peuvent en faciliter la compréhension.

Reste à rappeler rapidement qui était le destinataire de cette correspon¬ dance. Victor-Louis-Charles Riquet de Caraman, descendant du créateur du canal des Deux-Mers, naquit à Paris le 24 décembre iyÔ2. Bien qu'il eût été engagé dans la carrière militaire, Vergennes l'employa dans le service diplomatique, notamment en Russie et à Constantinople. Comme émigré, il fut un moment au service de la Prusse, mais Louis XVIIL lui confia plu¬ sieurs missions auprès des souverains étrangers. A la première Restauration, il fut nommé ministre de France à Berlin ; sa nomination à Vienne est datée du 2 mars 18 16, mais il n'y arriva que le 8 juillet suivant. Tant que Richelieu fut ministre des Affaires Étrangères, il jouit de toute la confiance de son chef direct, qui était aussi son ami ; on peut le voir dans l' abondante corres¬ pondance personnelle adressée par Caraman à Richelieu et qui est aujour¬ d'hui conservée à la Bibliothèque de la Sorbonne, dans le fonds Richelieu. Caraman y apparaît comme un excellent homme, tout dévoué à son pays et à sa mission. Metternich lui témoigne beaucoup d' abandon, et enretour Caraman est plein de considération pour le génie politique du chancelier autrichien. C'est ce qui devait, du reste, nuire à sa considération ; dans le monde diplomatique français, il est classé une fois pour toutes comme «. valet de Metternich » (i), et l'on s'explique ainsi en partie l'attitude prise à son égard par Chateau¬ briand.