J.-P. et M. HAUTBOIS

Évolution récente de la chasse aux grands cétacés

La chasse à la baleine a de tous temps enflammé les imaginations. Herman Melville y est sans doute pour beaucoup, de même que l'imagerie populaire qui se plaît à montrer l'inégal combat du fragile harponneur et de l'immense léviathan. Si la réalité est plus prosaïque, elle ne manque pas d'être très originale à plus d'un titre. D'abord parce qu'elle n'intéresse qu'un nombre limité de chasseurs et de gibiers : les prises sont comptées en milliers d'unités, les navires en unités ou en dizaines. Ensuite, parce qu'en dépit de ces chiffres modestes, on fut très vite amené à se préoccuper de la sauvegarde de l'espèce, ce qui fait probablement de cette chasse la plus strictement réglementée des « pêches » industrielles. Parce qu'elle est très variée, tant par le nombre des espèces poursuivies que par les techniques de repérage, d'approche, de capture ou de traitement des cétacés. Enfin les prolongements contemporains de cette activité séculaire font apparaître un déclin global et de profondes mutations intéressant la nature des prises et les pays concernés par l'armement des flottes.

1. Un nombre restreint de prises.

Juste avant la Seconde Guerre mondiale le nombre des grands cétacés capturés dépasse 40 000 unités (45 783 en 1939). Après avoir connu une baisse en 1940, la chasse disparaît totalement pour des raisons évidentes. A partir de 1945, elle reprend et ne tarde pas à retrouver son niveau antérieur : la progression est spectaculaire et continue dans sa tendance (fig. 1). La courbe se stabilise en 1958 autour de 65 000 bêtes (max. 1962 = 66 090). Depuis 1965 la baisse est continue et semble devoir se poursuivre : 1967 = 52 238; 1971 = 37 890.

a) Les différentes espèces.

La sécheresse de la courbe recouvre en réalité une riche variété d'espèces que tout, depuis la morphologie jusqu'aux régions fréquentées (sans oublier l'intérêt économique), tend à singulariser. Les cétacés se répartissent en deux sous-ordres. Celui des mysticètes est le plus divers. Il est caractérisé par l'existence de fanons, lamelles osseuses fixées à la mâchoire, qui permettent à l'animal de filtrer le plancton qui constitue sa nourriture (son aliment de prédilection est le « krill », bancs de petites crevettes. En été, un animal en consomme 1 à 1,5 t/j à raison de 1,5 à 2 g/m^ d'eau !).