Justice et propreté

Analyse de désaccords entre agents de service

et supérieurs hiérarchiques dans les établissements scolaires

Gérard Stéphan

L'incidence du travail des « ATOS » (personnels Administratifs-Techniques-Ouvriers-Services) sur la transmission des savoirs, la socialisation des élèves et la sélection n'est pas évidente. Cela explique, sans doute, que malgré leur importance numérique, ces membres du personnel n'aient guère été l'objet d'analyses sociologiques. Cette étude, qui s'inscrit dans les recherches du Groupe d'Etudes Sociologiques portant sur le fonctionnement des établissements scolaires, se limitera au « service général » et, plus précisément, aux personnes chargées du nettoyage des locaux et de leur rangement.

Ces agents, dénommés jusqu'en 1982, « agents non spécialistes », sont souvent insatisfaits de leurs tâches et des relations sociales qu'ils peuvent entretenir dans leur établissement. Ils se définissent alors comme « ceux qui ne comptent pas, ceux dont on ne respecte pas le travail, ceux qui sont les plus mal payés, ceux qui n'ont pas un

métier ». Ils font un travail qui n'exige habituellement pas de formation professionnelle, qui se caractérise presque toujours par des défauts, qui n'est « ni vraiment fait, ni vraiment à faire » et qui suscite des critiques concernant les moyens investis, l'usage des locaux, la qualité des prestations.

On s'intéressera ici à la façon dont les agents de service et leurs supérieurs hiérarchiques gèrent l'incertitude relative à la propreté et au rangement, et à la manière dont ils évaluent la qualité du travail. Ces jugements impliquent des conceptions de l'ordre acceptable, par rapport auxquelles désordre, saleté, bavardage, sont définis comme des défauts ou des écarts. Ce sont ces conceptions que l'on se propose d'expliciter ; elles sont, à la fois, communes aux acteurs et plurielles, et comme en attestent les discussions, les accords et les affrontements, elles impliquent un travail d'interprétation et de réflexion.

Revue Française de Pédagogie, n° 95, avril-mai-juin 1991, 99-113

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