Déclinaisons du désir d’enfant dans les coparentalités homosexuelles

C onfrontée aux complexités du désir d’enfant mais aussi aux divergences d’attitudes à son égard, je me suis interrogée, lors de ma recherche doctorale portant sur les coparentalités gayes et lesbiennes, quant à la manière d’analyser et de comprendre ce désir dans ses origines et ses significations diverses. La sociologie semble en effet avoir des difficultés à poser la question du désir d’enfant, tant celle-ci est généralement l’apanage des psychologues. Si le désir d’enfant y est souvent abordé dans son sens commun pour renvoyer à «l’enfant voulu et désiré » et parler plus largement de l’avènement d’une «parenté élective » , il fait rarement l’objet d’une théorisation et d’une description1 sociologiques plus fines. Au-delà des différents points de vue recueillis, l’intérêt principal consistait donc, selon moi, à examiner l’évolution et les processus sociaux du désir d’enfant, à partir de ses différentes expressions et modalités, tant pour ceux chez qui il s’est développé et qui tentent de le concrétiser, que pour ceux qui s’opposaient au départ au projet d’enfant, mais qui ont dû revoir leur position face au désir ardent de leur partenaire. La coparentalité a en effet pour spécificité d’amener plusieurs personnes, de sexe et d’orientation sexuelle différents, à collaborer autour d’un projet parental qui ne fait pas forcément l’unanimité. Il est nécessaire, à cet égard, de considérer le rôle potentiellement joué par l’homosexualité. En remettant en question les normes et les pratiques dominantes en matière de parenté, celle-ci permet d’éclairer sous un autre angle la concrétisation d’un désir d’enfant qui ne peut se réaliser directement. Rappelons que l’homoparentalité recouvre différents modes de parenté (recomposition familiale, adoption, insémination artificielle avec donneur inconnu, etc.) et n’a pu se développer qu’en raison de la diversification générale des formes familiales et de leur acceptation progressive au sein de la société (Tahon 2004, pp. 15-36). Cependant, elle a elle-même conduit à transformer profondément la famille contemporaine en ébranlant une «présomption d’hétérosexualité » (Le Gall 2001, p. 204) qui semblait jusquelà inhérente à celle-ci, tout en mettant «en lumière des questions qui restent dans l’ombre ailleurs » (Delaisi de Parseval 2008, p. 281). L’expérience des parents homosexuels donne ainsi à voir une parenté qui peut être dissociée de la sexualité, de la conjugalité et de la procréation (Cadoret 2005). Si le principe de différence des sexes n’est désormais plus nécessaire pour «faire famille » , les obstacles biologiques mais aussi sociaux restent toutefois encore bien présents lorsqu’il s’agit, pour des homosexuel(le) s, d’envisager concrètement la question des enfants. Dans cet article, je me centrerai uniquement sur l’émergence et les modalités de réalisation du désir

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