Conférence de M. Pierre Paraf

Nous sommes ici dans la grande maison où Ernest Renan ensei¬ gna et que continue d’habiter sa présence, dans ce Collège de France dont les maîtres prirent parti en cette bataille pour la vérité, où j’entendais Georges Renard tracer les contours de la Cité future, Henri Bergson chercher ce supplément d’âme dont nous avons plus que jamais besoin.

Qu’était-elle donc, cette France d'octobre 1894, lorsque l'Affaire éclata ?

Vingt-trois ans la séparaient de la défaite. Son peuple s’était mis, comme l’écrivait Emile Zola aux dernières lignes de La Débâcle, à la grande et rude besogne d'une France à reconstruire. Le drame de la Commune semblait déjà loin ; la République était solidement installée. La Constitution, par l'amendement Wallon, lui avait donné son nom. Depuis la victoire du Seize mai, à l’intérieur, elle avait dompté ses ennemis.

L’Ecole gratuite, laïque et obligatoire avait réalisé une belle par¬ tie des promesses des républicains et doté le nouveau régime d’un incomparable instrument. Face au prêtre traditionaliste, l'Instituteur. Il incarne l’Ecole de la République, celle qui tient Demain entre ses mains, l’Ecole de la patrie qui identifie la France et la justice en Europe et au-delà des mers. L'antimilitarisme lui est presque tou¬ jours étranger. C’est de lui que Joffre dira vingt ans plus tard, après la victoire de la Marne : «L’Ecole de la République peut être fière des soldats qu’elle a donnés à la France. »

Les finances sont solides et la France, en cette fin de siècle, pouvait se vanter d'être le banquier de l'Europe.