Revue Européenne des Migrations Internationales, 1998 (14) 1 pp. 141-160 141
La vie de quartier dans le Montréal multiethnique
Annick GERMAIN* et Bernadette BLANC
Montréal est depuis longtemps une « ville multiculturelle », pour reprendre le titre du livre de Cl. McNicoll (1993). Français, Anglais, Écossais, Irlandais et Américains s'y sont côtoyés bien avant la création de la Confédération canadienne en 1867. Si au XIXe siècle les Montréalais qui ne sont pas d'origine française ou britannique ne dépassent pas 2 % de la population totale de la métropole, ils sont près de 10 % en 1911. Juifs de l'Europe de l'Est, Italiens, Polonais, Allemands et Chinois s'installent à Montréal et forgent très tôt des réseaux institutionnels distincts, à l'image du cloisonnement des deux peuples dits « fondateurs » (Linteau 1982), expression couramment reprise dans les documents gouvernementaux officiels et qui désigne les colonisateurs français et anglais des 17e et 18e siècles.
Par la suite, l'immigration européenne dominera le paysage ethnoculturel de la métropole jusqu'au milieu des années soixante-dix, au moment où l'immigration en provenance des pays non européens et notamment des pays en développement va devenir beaucoup plus importante qu'elle ne l'était jusqu'alors, contribuant du même coup à diversifier considérablement les origines ethnoculturelles que l'on retrouve dans la métropole. De 1992 à 1996, les principaux pays de naissance des immigrants qui arrivent au Québec étaient par ordre d'importance, la France, Hong Kong, Haïti, la Chine et le Liban.
Comme les taux d'immigration internationale ont beaucoup augmenté dans les années 19901, Montréal a vu s'affirmer très rapidement son caractère multiethnique, ce
* Directrice de INRS-Urbanisation, 3465, rue Durocher, Montréal, Québec H2X2C6, Canada. ** Professeur, Institut d'Urbanisme, Faculté d'Aménagement, Université de Montréal, C.P.
6128, Suce Centre-ville, H3C 3J7, Canada. 1 Le total d'immigrants admis au Québec était inférieur à 40 000 tout au long des années 1980.
Au cours des trois premières années de la présente décennie, il s'est élevé successivement à
40 842, 51 707 puis 48 377 personnes, mais est redescendu par la suite à environ 27 000
(Québec, 1997).