Revue Européenne

des Migrations Internationales

Volume 4 - Nos 1 et 2

1er semestre 1988

Perspectives du pluralisme

Michel ORIOL

Les prévisions relatives à l'intégration des populations

étrangères, que l'on trouve énoncées vers la fin des années 60 (Descloîtres, 1967 ; Patterson, 1963), sont peu encourageantes pour qui veut utiliser les sciences sociales pour anticiper des situations. Aussi bien en France qu'en Grande- Bretagne, on estimait que les problèmes nés avec l'arrivée, déjà massive, de migrants n'étaient que provisoires. Tout ce que l'on étudiait relevait généralement d'un inventaire des aides et des obstacles à l'intégration, conçue comme un processus irréversible et simplement susceptible d'accélération ou de retard. En fait, ces propos correspondent pleinement aux paradigmes évolutionnistes qui, de Comte à Marx en passant par Spencer, n'ont cessé au XIXe de contribuer à fonder les sciences sociales sur l'analyse ordonnée des changements historiques introduits par la science et la technologie.

Cette référence théorique est importante parce qu'elle ouvre une alternative qui ne semble pas nouvelle, mais qui reste encore largement à explorer. Ou bien, on reste dans le cadre d'un schéma évolutionniste - ce qui est d'ailleurs le cas de la plupart des débats idéologiques actuels et nous avons à comprendre pourquoi il a si mal inspiré les premiers chercheurs qui, en Europe occidentale, ont étudié la grande vague migratoire dont, vingt ans après, les effets ne cessent de se prolonger ; ou bien, il faut radicalement changer de paradigme, passer par exemple, de conceptions analytiques fondées sur l'extrapolation des tendances principales, à une conception dialectique du développement de situations et de projets contradic- toires('). Il convient donc d'explorer en premier lieu la force et la faiblesse des scénarios d'intégration de type évolutionniste. De ce bilan critique se dégageront d'autres voies possibles pour construire une prospective des relations interculturelles.