Une « révolution des matériaux »
Jean-François LEMETTRE
Chargé de conférence Université Paris X Nanterre
Moins spectaculaires que la « révolution électronique », les transformations qui s'opèrent depuis quelques années dans le domaine des matériaux, préparent des remises en cause fondamentales dans les industries concernées. Un tel processus est porteur de menaces pour les firmes qui ne pourront s'y adapter, mais aussi d'opportunités nouvelles pour celles qui parviendront à en maîtriser le cours. Mais c'est au niveau du système productif tout entier que les effets de ces changements se mesureront en définitif.
Les matériaux nouveaux forment un ensemble à la fois extraordinairement varié et ambigu. La variété est relevée par toutes les études consacrées au sujet dans les dernières années, à tel point que le « Rapport sur l'état de la technique » préparé par le ministère de la Recherche en 1983 titre sur « l'hyperchoix des matériaux » (1). L'ambiguïté même est une des causes de cette très grande variété : Les « matériaux nouveaux » recouvrent à la fois des développements dans les voies nouvelles de matériaux déjà connus (alliages métalliques, polymères, acier, céramiques, ...), composition de nouveaux corps à partir de composants eux-mêmes nouveaux (céramiques par exemple), et toutes les combinaisons intermédiaires.
L'intérêt suscité par ces matériaux porte dans un premier temps sur les performances techniques qu'ils impliquent — dans leur conception et leur fabrication — et sur celles qu'ils permettent par leur utilisation. L'introduction de composants nouveaux dans les moteurs et les structures par les firmes de l'aérospatial alimente en continu cette saga des prouesses technologiques. Mais dans un second temps, leur diffusion à grande échelle et leur banalisation bouscule les positions établies dans les industries traditionnelles. L'exemple de l'automobile illustre bien l'ampleur des phénomènes. Pour réduire les consommations d'énergie, tous les constructeurs entreprennent d'alléger les véhicules, notamment en remplaçant la fonte et l'acier par d'autres matériaux. La perspective tracée par Volvo, entre autres, pour l'an 2000 est édifiante si on compare ce que sera à ce moment le véhicule remplaçant les berlines compactes actuelles.
(1) CPE : Rapport sur l'état de la technique, La Documentation Française, Paris 1983.
118 REVUE D'ÉCONOMIE INDUSTRIELLE — n° 31, 1er trimestre 1985