LES ÉTUDES BYZANTINES EN GRÈCE
(1940-1948)
La Grèce est — cela se doit — le pays d'élection des études byzantines. Comme en Roumanie, on trouve, à l'origine de la vogue qu'elles n'ont cessé d'y connaître depuis un demi siècle, une personnalité dont la prodigieuse activité, l'exemple entraînant et la fortune politique ont donné corps à ce qui n'avait été jusque-là que recherche isolée, tâtonnante, émiettée en une poussière d'efforts. Sp. Lambros, en effet, n'a pas laissé qu'une grande œuvre : il a fait école et suscité ce mouvement de curiosité qui a réhabilité aux yeux de ses compatriotes une civilisation à laquelle la nation moderne doit ce sens aigu de la mesure qui l'a mise à même de continuer, face à une nouvelle forme de tyrannie asiatique, son rôle de rempart de l'Occident. L'empire byzantin s'est sacrifié au salut de l'Europe; la Grèce contemporaine sert à celle-ci de citadelle avancée, de témoin dont l'asservissement au bolchévisme sonnerait le glas de la civilisation universelle.
Il nous a certes été donné d'assister, entre 1919 et 1940, à une première floraison d'études sous l'impulsion posthume du grand savant dont nous venons de parler. On a vu aussi ce mouvement gagner en ampleur et se diversifier grâce à l'appoint des réfugiés d'Asie Mineure et de Constantinople, soucieux de fixer pour la postérité l'image de ce qu'ils avaient, eux et leurs aïeux, incarné pendant de longs siècles : l'hellénisme anatolien à toutes les époques et sous toutes les latitudes. Nul doute que l'espèce de religieuse obstination qu'ils ont mise, qu'ils mettent à se souvenir de leur prestigieux passé n'ait élargi le champ de vision de la science hellénique; à la veille de l'invasion italienne (octobre 1940), celle-ci allait atteindre sa première apogée.
Mais c'est la menace du communisme, avec tous les risques que cette hérésie culturelle comporte de nivellement et de dépersonnalisation, qui, dans un sursaut de conscience, fait intensément pencher la Grèce sur son passé. Elle a cherché et trouvé d'instinct dans son histoire la période où un péril tout semblable lui commanda les mêmes attitudes, voire le même héroïsme : le moyen âge. Appuyée comme alors sur l'Occident, cette fois moins velléitaire, elle se recueille dans le souvenir de sa propre histoire, tandis qu'à ses frontières, dans ses montagnes, s.e joue le drame éternel qui est l'essence même de sa vocation.
(1) La part des deux auteurs dans la rédaction de ce travail s'établit comme suit. M. Dal- leggio a dépouillé la plupart des revues mentionnées pour la période 1940-1946. J'ai tâché de suppléer les deux années 1947 et 1948 grâce aux communications et aux envois qui m'ont été faits depuis. Je remercie à cette occasion très chaleureusement MM. Amantos, Koukoulès et Kyriakidis qui ont beaucoup contribué à rendre ce bulletin plus complet; à M. M. Las- caris, dont le désintéressement m'a largement pourvu d'ouvrages et de brochures difficilement accessibles, les lecteurs sauront avec moi un gré particulier. Les lacunes sont encore sensibles, plusieurs publications m'étant parvenues trop tardivement. Tel quel, le présent relevé rendra sans doute quelque service. A noter enfin que la responsabilité des jugements formulés ci-après m'incombe à moi seul qui, ai, d'autre part, compilé l'index final.
