Discours universitaires ou genre académique : Γ explicatif comme zone de (dis)continuité ?
Marie-Christine Pollet
1 . Un genre académique : continuum discursif et intérêt didactique
À l'heure où les typologies sont fortement contestées, il peut sembler surprenant de vouloir circonscrire un nouveau genre, fût-il académique.
Ce désir de normalisation apparaît en effet bien réducteur en regard de la complexité du champ scientifique qui en est l'objet.
Précisons-le d'emblée : nous partageons les réserves de ceux qui, très vite, ont déploré l'imprécision terminologique et le flou des critères de classement de « l'entreprise typologique ». La reconnaissance de ces limites a d'ailleurs conduit André Petitjean, notamment, à établir une « typologie des typologies » qui remet de l'ordre dans les typologies de textes, de séquences, de discours et de genres (Petitjean : 1989).
Cependant, nous tenons malgré tout à inscrire dans un modèle générique les différentes réalisations discursives qui relèvent de l'univers de discours « académique » (au sens anglo-saxon du terme) : articles scientifiques, discours scientifiques à visée didactique ou vulgarisatrice (par exemple, les syllabi à l'usage des étudiants ou les articles scientifiques à l'usage d'un public de non-spécialistes), travaux d'étudiants.
Notre intention n'est pas de les homogénéiser, mais de tenter de rendre compte à la fois de leur ressemblance et de leur diversité pragmatiques et linguistiques, en y décelant une « zone de (dis)continuité » : il s'agirait d'un élément commun dans sa globalité, mais qui produirait divers types de discours par des activations différentes du point de vue linguistique et discursif, en fonction de l'intention et l'univers de communication.
C'est pour cette raison que nous choisissons de souscrire à la thèse du continuum discursif développée par Daniel Jacobi (1986, 1988 et 1995). Dans une approche inspirée du dialogisme de Bakhtine, Jacobi situe le continuum sur le plan de l 'interdiscours : ainsi, tout discours de vulgarisation est une composante du discours scientifique et doit être replacé dans son environnement intertextuel, dans l'ensemble des discours passés ou à venir. Cette thèse se trouve prolongée dans le cadre de la linguistique du discours proposée par Jean Peytard et Sophie Moirand, qui décrivent l'univers de la communication scientifique et s'intéressent à la diffusion des connaissances vers de multiples publics (Peytard et Moirand : 1992, pp. 171-177).
C'est donc en termes de socio-diffusion des connaissances dans le champ scientifique que le continuum est habituellement décrit ; nous tenterons, quant à nous, de l'aborder sous un angle plus nettement linguistique.
L'intérêt que nous voyons à la reconnaissance d'un genre académique est d'ordre essentiellement didactique et se situe dans la foulée de l'exploitation de la linguistique textuelle.
