NOTES SUR SAINT-PAUL-TROIS-CHATEAUX ET LE CADASTRE B D'ORANGE
Valérie BEL*, Thierry ODIOT**
Les recherches archéologiques menées depuis dix années dans la cité des Tricastins sont venues enrichir nos connaissances sur l'urbanisme d' Augusta Tricastinorum. Ces données nouvelles tendent à montrer que la topographie de la ville a été fortement structurée par le réseau B d'Orange (1). Nous ne présenterons ici que quelques aspects d'un travail plus général
<2>
.
Nous avons par ailleurs
<3>
montré le rôle de ce même réseau dans la mise en valeur des campagnes environnantes. Les prospections systématiques, menées dans la plaine rhodanienne, à la hauteur de la ville, ont révélé que les implantations rurales s'effectuaient selon une logique géométrique. Depuis le locus gromae, situé sur la commune de Lapalud, les sites augustéens s'implantent toujours au sud du dixième decumanus (fig. 1). Les rares exceptions semblent toujours correspondre à des sites exceptionnels, à propos desquels il semble légitime de se demander quel pouvait être le statut social de leurs propriétaires. Dans le courant du premier siècle, la progression des implantations rurales se poursuit vers le nord, sans toutefois ne jamais dépasser le vingtième decumanus. Ce n'est que durant la période flavienne que l'on perçoit une logique d'implantation différente. Le cadastre B aurait donc, dans l'interprétation proposée, servi de cadre à une colonisation planifiée. Celle-ci apparaît sous la forme d'un front pionnier mettant en valeur les terres riches et lourdes de la plaine. Trois générations auront donc évolué dans ce cadre normalisateur.
Si les campagnes ont été largement influencées par le réseau et la volonté politique qui sous-tend sa création, la cité elle aussi semble s'être développée dans le même cadre régulateur (fig. 2).
L'exemple le plus frappant est celui de l'enceinte datée du début du Ier siècle de notre ère. Il s'agit d'un mur en petit appareil, de 1,60 m de large, que l'on a pu étudier lors d'une série de fouilles. Dans ses parties encore en élévation il est au mieux conservé sur 2,80 m de haut. Ce monument forme un quadrilatère irrégulier qui s'inscrit dans la centurie DDIX CK V.
— La courtine ouest, rectiligne, est connue grâce à des mentions dans les cadastres de l'Ancien Régime. Elle est isocline avec le cadastre B mais légèrement décalée par rapport au tracé théorique du quatrième cardo, à 19 m à l'est de celui-ci.
— La courtine nord a été repérée dans un sondage ponctuel ; elle est située sur le neuvième decumanus du cadastre, c'est-à-dire à 708 m au nord du limes découvert lors de la fouille de la nécropole
<4>
.
* 161, rue Marcel-Mérieux, 69007 Lyon. ** Chercheur associé au GDR CNRS 926, « Campagnes méditerranéennes », 6, rue de l'Ancienne Préfecture, 69001 Lyon.
(1) Nous remercions G. Chouquer, qui nous a guidés et nous a permis d'utiliser le résultat de ses recherches sur le cadastre B d'Orange et sur la topographie de Saint-Paul-Trois-Châteaux.
(2) T. Odiot, V. Bel, M. Bois (dir.). — D'Augusta Tricastinorum à Saint-Paul-Trois-Châteaux (Drôme). Documents d'Archéologie en Rhône-Alpes, n° 7. Lyon, 1993, p. 41-77 (chapitres 2 et 3); 105-114 (chapitre 5); 141-147 (chapitre 7).
(3) T. Odiot. — Habitats, sols et cadastres in J.-L. Fiches, F. Favory (dir.). — Les campagnes de la France méditerranéenne dans l'Antiquité et le Haut. Moyen Age., DAF, à paraître.
(4) Bel 1986.
Revue Archéologique de Narbonnaise, 26, 1993, p. 125-130
