Politique Etrangère. N° 1 - 1968
LA RECHERCHE EN POLITIQUE ÉTRANGÈRE
par Jacques VERNANT
Les portes que l'on croyait ouvertes, on s'aperçoit qu'elles résistent. Il faut pousser. J'imaginais ainsi qu'après l'œuvre fondamentale de Raymond Aron, de François Perroux et de quelques autres, la possibilité de recherches en matière de politique étrangère n'était plus chez nous mise en question dans le monde intellectuel. J'imaginais que la légitimité de telles recherches, dès lors que leur possibilité était admise, n'était pas contestée. Enfin, j'imaginais que les termes mêmes utilisés dans cette expression avaient pour tous une même et précise signification. Il semble que ce ne soit pas le cas et qu'il soit utile de remettre des points sur les i.
Avant tout, il faut savoir de quoi l'on parle. La recherche dans les sciences humaines, comme dans les autres, se définit par sa finalité et par ses méthodes. Il y a recherche toutes les fois qu'il y a effort systématique pour réduire un donné à un schéma intelligible. Comprendre, qui est la fin de toute recherche, consiste à substituer un schéma ou une structure rationnels à un ensemble de donnés complexes et embrouillés. C'est débrouiller ou déchiffrer. En ce sens, la psychanalyse — qui se veut aussi thérapeutique — est recherche, comme l'histoire, et le « structuralisme » est né d'une réflexion sur la recherche.