RAP - n° spécial 22, 2005 ; Bruno Robert & Jean-Luc Landreat, Les meules rotatives en calcaire à glaucome grossière et l'atelier de Vauxrezis (Aisne)

LES MEULES ROTATIVES EN CALCAIRE À GLAUCOME GROSSIÈRE

ET L'ATELIER DE VAUXREZIS (AISNE). UN ÉTAT DE LA QUESTION

Bruno ROBERT * & Jean Luc LANDREAT **

L'étude du matériel de mouture de la vallée de l'Aisne, menée dans les années 1990 par Claudine Pommepuy, a abouti à une caractérisation de types morphologiques et, a mis en évidence l'évolution chronologique de ces objets entre l'Âge du Bronze et la fin de l'Âge du fer. La relation entre morphologie et matière première a permis, entre autres, de conclure à des variations chrono-culturelles. On peut également envisager des différences fonctionnelles parmi les types d'outils rotatifs en calcaires rencontrés sur les sites d'habitat.

De l'Âge du Bronze à La Tène ancienne, où les meules de type à va-et-vient sont en usage, on trouve systématiquement dans les sites d'habitat des éclats de façonnage et des percuteurs prouvant une production familiale. Avec l'introduction de la meule rotative, tout élément lié à une chaîne opératoire de fabrication a disparu. On a désormais affaire à une production en atelier spécialisé, probablement situé sur les affleurements des roches concernées (Pommepuy 1999, p. 376). L'existence avérée d'un site de production de meules rotatives, dans le Soissonnais, présente donc un intérêt certain, d'autant qu'il restait à valider concrètement l'hypothèse d'ateliers spécialisés. L'atelier dont il est question, produit des meules d'une roche particulière, le calcaire à glauconie grossière.

La glauconie grossière est la formation de base du Lutétien inférieur dans le Soissonnais, où elle y a été datée de 48 millions d'années (Mégnien et al, 1980a, p. 368; Blondeau dans Mégnien et al. 1980b, p. 378). Ellecaractériseundépôtdefacièstransgressif, c'est-à-dire déposé au cours d'une remontée du niveau marin. D'après Longuépée (2002) : « Le mécanisme de glauconitisation requiert une longue période d'exposition des sédiments à l'eau de mer, ce qui se traduit par des taux de sédimentation très faibles (Odin & Matter 1981). La genèse du minéral débute par la formation d'une illite à faible teneur en potassium (4 % I^O) qui évolue vers la glauconite (9 % K2O) par incorporation du potassium en solution dans l'eau de mer (Stille & Clauer 1994) ».

Le niveau à glauconie, présentant l'aspect de sable vert, est induré en de rares endroits. Du fait de son apparence, la roche prend alors le nom de « pain de Prussien » dans le Soissonnais, le Valois (Mégnien et al. 1980b,p. 415) etla vallée del' Automne (Gély 1996, p. 9). Cette appellation semble trouver

son origine dans une moquerie sur l'allure du pain des soldats prussiens (celui de 1870?). Aucune cartographie de ce faciès local n'a, à ce jour, été relevée dans la littérature consultée. Une mention en est toutefois faite à Margival dans la notice de la carte géologique de Soissons (Pommerol et al. 1984, 16).

Induré ou non, dans le Soissonnais, ce dépôt commence habituellement par un niveau très grossier à gros grains de quartz, à éclats de silex verdis et débris de coquilles. Il devient de moins en moins grossier et finit par devenir calcaire avant l'apparition en masse des Nummulites laevigatus. Les fossiles trouvés dans la partie glauconieuse sont fréquemment: le polypier libre Eupsammia trochi- formis, le lamellibranche Venericardia planicosta, des dents de requins des genres Odontaspis, Striatolamia, Carcharocles, Otodus, Abdounia, Galeocerdo, Galeorhy- nus, Gynglimostoma, Nebrius, Pristis, et des dents de raies Dasyatis, Aetobatus et Myliobatis. En outre dans le Laonnois, il a été trouvé de rares dents de mammifères assez abîmées, de même que dans le Soissonnais, des plaques de tortues (Palaeochelys s. l. et Allaeochelys) récoltées par l'auteur (J.-L. Landreat) et la Société Laonnoise et Axonaise de Paléontologie.

Une formation quasi exclusivement formée de Nummulites laevigatus lui succède. Elle est connue sous le nom de « pierre à liard » (Blondeau dans Mégnien et al. 1980b, 418) dénommé ainsi d'après une pièce de monnaie de l'ancien régime.

Dans une coupe observée récemment sur les travaux de la déviation de Chavignon (Aisne), un banc de sable calcaire fin, jaune, grésifié par place et renfermant l'oursin spatangoïde Maretia s'intercale entre la glauconie et la pierre à liard. Cet oursin a naguère été signalé dans les mêmes conditions au "Mont de Paris", éperon dominant Vauxbuin, dans l'Aisne (Lapparent, 1964, 79).

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