Le Fonds européen de développement en action : du réseau Ferrandi à l’Érythrée
Véronique Dimier * et Clara Breton **
Résumé
«J’ai dit à Ferrandi (directeur du Fonds européen de développement de 1962 à
1975) que des relations trop intimes et émotionnelles n’étaient pas appropriées dans le cadre de notre tâche [ de contrôleurs techniques du Fonds européen de Développement]. Les contrôleurs doivent avoir des relations de courtoisie, mais en aucun cas ils ne doivent avoir des amis personnels parmi les élites africaines. Évidemment Ferrandi a pris la critique pour lui-même. C’était sa manière de faire, en tant que directeur du FED. Il avait l’habitude de passer des heures et des heures au téléphone avec des ministres africains. C’était des amis pour lui. Comme contrôleurs, nous recevions des circulaires nous demandant d’agir comme des éminences grises. Mais bien sûr, le problème d’une telle attitude était qu’elle pouvait déboucher sur des compromissions dangereuses » .
X, contrôleur-déléguéduFondsEuropéendeDéveloppementde1966à1974, ancien administrateur colonial français, 26 septembre 2002 1.
Faire les compromis nécessaires entre les exigences de la métropole et celles des élites locales, être les éminences grises des chefs indigènes, les convaincre d’adopter telle ou telle mesure : telle était la figure idéale
* Professeur en science politique, Université Libre de Bruxelles. ** Avocate au Barreau de Paris, membre de l’Institut des Droits de l’Homme du Barreau de Paris.
1. Cet article est tiré d’une étude de terrain réalisée en 2008 par Clara Breton pour son mémoire de fin d’étude : Le rôle de compromis de la Délégation de la Commission européenne en Érythrée, Institut d’Études européennes, sous la direction de Véronique Dimier. Il est également inspiré de l’ouvrage de Véronique Dimier, Recycling Empire : the Invention of a European Development Aid Bureaucracy, Palgrave, 2014.
Outre-Mers, T. 102, No 384-385 (2014)
