LA TRADITION DE L'ANTITRADITIONAUSME DANS L'HISTORIOGRAPHIE CHINOISE Ursula Richter* 1

On a fréquemment soutenu que les historbns chinois, de l'époque Han (206 av. J.-C. -220 ap. J.-C.) au commencement du XXe siècle, «ne semblent pas avoir produit une tradition très flexible ou mobile», leur historbgraphie étant «riche en formes, non en méthodologies ou en philosophies de l'histoire»1. Etienne Balazs attribuait b «caractère stéréotypé» de cette tradition à «deux choses, apparemment contradictoires : d'une part, le manque du trait personnel — l'individu est absorbé dans et disparaît derrière le groupe, dont H n'est qu'un échantillon; et d'autre part, l'absence d'abstraction qui permettrait une synthèse f...J»2. De là ce dur verdict : «Le découpage de l'histoire en tranches dynastiques; l'existence d'une historiographb officielle, salariée et dépendante; l'art traditbnnel de la citation, lourd héritage du génie de la langue — voilà bs trois facteurs principaux [...] qui ont entravé en Chine l'éclosion d'une historiographie comparable à la nôtre»3.

Quoiqu'elle puisse s'appliquer assez bien au courant principal de b littérature historique chinoise — celui qui a reçu sanction officielle, cette position n'en implique pas moins qu'au cours de deux millénaires bs intellectuels chinois ont été incapables de produire autre chose qu'histoires dynastiques, annales, chronobgies, monographies, commentaires, révisions, encyclopédies, anthobgies congshu, bibliographbs, etc.

Balazs — rendons-lui cette justice — ne se fait pas faute de mentionner, dans l'article cité, des formes «progressives» de littérature historique sous les Song (960-1279), plus proches du «type occidental», ni de saluer — mais trop brièvement — les