Couverture fascicule

L'autorité, ou le bonheur des Augustes

[article]

Année 1995 43 pp. 135-136
Fait partie d'un numéro thématique : Acte d'autorité, discours autoritaires
doc-ctrl/global/pdfdoc-ctrl/global/pdf
doc-ctrl/global/textdoc-ctrl/global/textdoc-ctrl/global/imagedoc-ctrl/global/imagedoc-ctrl/global/zoom-indoc-ctrl/global/zoom-indoc-ctrl/global/zoom-outdoc-ctrl/global/zoom-outdoc-ctrl/global/bookmarkdoc-ctrl/global/bookmarkdoc-ctrl/global/resetdoc-ctrl/global/reset
doc-ctrl/page/rotate-ccwdoc-ctrl/page/rotate-ccw doc-ctrl/page/rotate-cwdoc-ctrl/page/rotate-cw
Page 135

Des mots en politique

L'autorité, ou le bonheur des Augustes

Qui, de Bréal, Meillet ou Benveniste, fait autorité ? Pour évoquer les origines de l'autorité, nul n'est plus autorisé que chacun de ces trois maîtres qui, pendant un siècle entier, se sont succédés sur la même chaire du Collège de France.

S'ils s'accordent sur le rôle majeur du latin augere, ils divergent quant au sens premier de ce verbe. Meillet, dans son Dictionnaire étymologique de la langue latine (résumant une longue étude d'Ernout sur le groupe augur, augustus), insiste sur la notion d'accroissement: augere a d'ailleurs donné, en français, «augmentation », « octroi » (c'est-à-dire subside extraordinaire) et « auxiliaire » (c'est-à-dire force supplémentaire). En ce sens, les augures seraient les présages assurant la croissance d'une entreprise : nous dirions aujourd'hui les indices optimistes ou les sondages favorables.

Quant à Y Auguste, il serait ce souverain aux pouvoirs étendus qui apporte au pays expansion économique et extension territoriale. Faudrait-il alors voir dans le mois d'Auguste, août, le sommet de la croissance en cette période de récoltes ? Mais, dans cette civilisation de la vigne, les latins rattachaient également à augere l'automne, saison des vendanges.

Benveniste, dans son Vocabulaire des institutions indo-européennes, estime qu' augere désigne moins le pouvoir de faire croître que la force de faire exister. Cette force, dérivée d'une racine indoeuropéenne augos (cf. sanscrit ojah), est d'origine surnaturelle et fait de la divinité l'autorité par excellence, celle qui est l'auteur de toute chose nouvelle et peut donner jour à des lois ou vie à des plantes.

Dans une civilisation rurale, on ne saurait d'ailleurs trop dissocier le croît des végétaux et des animaux du progrès de la civilisation. Dans son Dictionnaire étymologique latin, Bréal avait d'ailleurs adopté une position médiane par rapport à ses deux successeurs. Pour lui, augere signifiait aussi bien « accroître » que « créer ». En ce sens, l'auteur ou l'autorité agirait moins par voie d'achèvement que de développement comme si l'être humain ne se résignait jamais à devenir cet être terminé qu'est l'adulte et voulait prolonger dans une perpétuelle adolescence l'espérance d'un devenir.

Cette espérance peut être réalisée et c'est le bon augure ou

135

doc-ctrl/page/rotate-ccwdoc-ctrl/page/rotate-ccw doc-ctrl/page/rotate-cwdoc-ctrl/page/rotate-cw