JEAN-PIERRE CALLU
ANTIOCHE LA GRANDE : LA COHÉRENCE DES CHIFFRES *
Entre 438 et 4441, l'impératrice Eudocie2 vint à deux reprises à Antio- che «la Grande»; sans doute à la première de ces occasions elle prononça l'éloge de la cité en présence du Sénat local et, dans ce contexte, persuada son mari, Théodose II, d'agrandir par un nouveau mur la superficie urbaine3. À la différence de YAntiochicos de Libanius, récité quelque quatre- vingts ans plus tôt4, il n'a subsisté du chef-d'œuvre de l'érudite princesse que sa clausule, mais du rapprochement plus ou moins étroit entre les deux événements, il semble bien résulter que pour Eudocie la grandeur d'une ville devait se voir au seul tracé de la muraille et qu'à son tour, l'ampleur périphérique n'était pas sans rapport avec le traitement de l'axe central.
On le redira : bien que les rempart exercent, dès qu'ils existent, des fonctions reconnues dans l'ordre de la religion5, de la défense et de l'administration, la coutume a toujours admis que le nom englobait la totalité
* L'enquête conduite aujourd'hui résulte d'une invitation renouvelée (1993 et 1994) de Cl. Nicolet, alors directeur de l'École française de Rome, à venir réfléchir sur les potentialités d'Antioche à prendre rang parmi les «grandes villes» de l'Antiquité : je le remercie de m'avoir ouvert un nouveau champ de lecture et de curiosité.
1 La date est depuis longtemps sujette à discussion cf. Eudocia Augustae . . . car- minum graecorum reliquiae, ed. A. Ludwich, Leipzig, 1897, p. 11-13; les derniers éditeurs du Chronicon Paschale, M. et M. Whitby, Liverpool, 1989, p. 74-75, n. 250-251, inclineraient vers une datation basse, alors que Ph. Grierson et M. Mays, Catalogue of Late Roman Coins in the Dumbarton Oaks Collection, Washington, 1992, p. 155, optent pour la chronologie haute, en observant néanmoins que, d'après la numismatique, l'impératrice est restée en faveur jusqu'en 442/443. Voir infra n. 133.
2 PLRE, II, p. 408-409, n° 2.
3 Evagr., H.E., I, 20 : on reviendra plus avant sur ce passage, cf. infra n. 132.
4 Paul Petit dans son introduction à l'Autobiographie de Libanius (CUF) , Paris, 1979, p. XXLX, date le discours de 356. Voir aussi infra n. 7.
5 W. Seston, Les murs, les portes et les tours des enceintes urbaines et le problème des «res sanctae» en droit romain, dans Mélanges André Piganiol, Paris, 1966, p. 1489-1498.
MEFRA - 109 - 1997 - 1, p. 127-169.
