L'histoire des intellectuels catholiques Interview de René Rémond
par JACQUES JULLIARD et DANIEL LINBENBERG
Mil neuf cent : René Rémond, quand donc est né l'intellectuel catholique ?
René Rémond : Je ne sais pas jusqu'à quand il faudrait remonter dans le temps pour observer l'émergence du concept d'« intellectuel catholique ». Du mot « intellectuel » l'histoire est bien connue. Celle de la notion d'intellectuel catholique est certainement plus tardive et je pense que l'idée même a dû se constituer un peu par réaction contre l'irruption de ce mot dans le vocabulaire courant et la vie politique, puisque à l'origine ceux qui s'appelaient ainsi se situaient plutôt dans une tradition de pensée adverse, celle de la gauche rationaliste, au temps de l'Affaire Dreyfus et je présume que le mot a dû longtemps garder une connotation plutôt négative chez ceux des catholiques qui étaient aussi des intellectuels. A cet égard, il est significatif que les premières institutions qui se sont proposé de regrouper ceux-ci n'ont pas repris le terme d'intellectuel mais celui d'écrivain catholique. Tout bien pesé, il ne me semble pas que l'expression d'« intellectuel catholique » ait été couramment employée avant la création, au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, du Centre catholique des intellectuels français. Il y aurait donc un décalage de près d'un demi-siècle par rapport à l'irruption du mot et du concept dans la vie politique française.
M.n.c. : Les intellectuels catholiques sont tout de même présents dans l'entre-deux-guerres, en tant que tels.
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