Une association en tenes d'aventure i
Sonia COMBE
Mémoire grise à l'Est, 1985-1995
Statues mutilées
par des opposants.
Albanie, 1993.
Photo Sonia Combe.
1. Alain Brossât, Sonia
Combe, Jean-Yves
Potel et Jean-Charles
Szurek (clir.), À l'Est,
la mémoire retrouvée,
Paris, La Découverte,
1990.
2. Ce documentaire de 52 minutes, que l'on peut consulter, comme les cassettes audio, à la BDIC, porte sur la commémoration du cinquantième anniversaire de l'arrivée des brigades internationales en Espagne, qui s'est déroulée à Madrid en octobre 1 986, et à laquelle participaient, à l'aube de la perestroïka, plusieurs délégations est- européennes.
Lnregistrée à la préfecture des Hauts-de-Seine le 22 janvier 1985, l'association « Mémoire grise à l'Est », sise à la BDIQ est morte de mort naturelle dix ans plus tard : non pas tant faute de combattants que faute d'objet, comme nous disons dans notre jargon, ou, pour le dire sans façon, faute de Mur. De ce Mur avec une majuscule qui avait été la raison d'être de l'association et auquel elle ne pouvait longtemps survivre, puisque l'est de l'Europe avait bel et bien cessé d'être l'Est.
Il y eut, bien sûr, d'autres raisons : difficultés d'obtention de crédits avant toute chose, renouvellement des questionnements par rapport à l'expérience soviétique, inévitables dissensions personnelles ou scientifiques qui souvent s'entrecroisent et se stimulent mais qui, au demeurant, les enjeux de prise de pouvoir étant moindres dans le cadre associatif, ne mirent pas en péril le projet lui-même, etc. Quoiqu'il en soit, l'association « Mémoire grise à l'Est » certes disparut, mais
Sonia Combe est conservateur à la BDIC.
non sans avoir accompli sa mission : la collecte de deux cent cinquante interviews correspondant à plus de trois cent quatre-vingts cassettes audio réalisés en Albanie, Hongrie, Pologne, RDA, Roumanie, Tchécoslovaquie, URSS et Yougoslavie ; un colloque intitulé « Mythes, traces et emblèmes du stalinisme », clin d'œil à l'historien italien Carlo Ginzburg, qu'accueillit en janvier 1991 le centre culturel d'AIbi ; plusieurs publications, dont l'ouvrage collectif À l'Est, ¡a mémoire retrou vée], un film, Brigadistas!2 et un séminaire intitulé « Archéologie du socialisme réel », clin d'œil (un peu affecté) cette fois à Michel Foucault, qui se tint, bon an mal an, jusqu'en 1994, dans les locaux de la Maison des sciences de l'homme. À cette date, le réseau de correspondants de la « Mémoire grise à l'Est » dans les pays ex-communistes commençait à s'étoffer, tandis qu'en Occident l'intérêt qu'on portait à ces derniers s'essoufflait. Nous savons à quel point le traitement médiatique contribue à forger l'illusion de ce fameux sentiment d'accélération de l'Histoire dont les