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Pacifisme ancien style, ou le pacifisme de l'Association de la paix par le droit

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Pacifisme ancien style, ou le pacifisme de l'Association de la paix par le droit

1 . Voir en particulier mon livre : The Politics of Dissent: Pacifism in France, 191 9-1 939, Oxford, Clarendon Press, 1991. L'auteur tient à remercier le Conseil de Recherches en Sciences Humaines du Canada de la Subvention de recherches qui a facilité la préparation de cet article.

2. Pour l'histoire de l'APD d'avant la Première Guerre mondiale, consulter le chapitre comparatif sur le pacifisme français dans Roger Chickering, Imperial Germany and a World Without War: the Peace Movement and German Society, 1892-1914, Princeton, NJ, Princeton University Press, 1975; voir aussi Sandi E. Cooper, Patriotic Pacifism: Waging War on War in Europe, 1815-1914, Oxford and New York, Oxford University Press, 1991; et Ingram, op.cit., pp. 19-29.

3. Jules Prudhommeaux, «L'Origine, le développement, et le fonctionnement de l'Association de la paix par le droit», PD, 38, 12, décembre 1928, p. 513.

4. Ernest Roussel, «Les Origines de la Paix par le Droit», PD, 38, 1 , janvier 1 928, p. 1 2.

5. Voir Roger Chickering, op. cit., pp. 334-7, et Ingram, op.cit., p. 20-22.

Nous avons décrit ailleurs l'évolution du pacifisme français de la fin de la Grande Guerre jusqu'à la veille de la Seconde Guerre mondiale1. Cette évolution voit notamment la naissance d'un nouveau pacifisme militant, un pacifisme intégral qui condamne la guerre internationale quel qu'en soit le motif, rejette la défense nationale et prône la révision des traités de 1919- 1920.

Le pacifisme ancien style, soit le pacifisme genevois et juridique, respectueux de la défense nationale, continue cependant à jouer un rôle important dans les mouvements pour la paix de l'entre- deux-guerres en France. Une des sociétés les plus importantes, qui représente le mieux ce pacifisme ancien style, est l'Association de la paix par le droit (APD), fondée en 1887 par six lycéens de Nîmes. Cette association essaime par la suite dans toute la France, et survit à deux guerres mondiales pour disparaître en 1 948Z.

Origines

II n'est peut-être pas surprenant que l'APD trouve ses origines dans une région de France fort marquée par le protestantisme: le Gard. Il semble, d'après les témoignages des créateurs de l'Association, que l'influence protestante soit importante à l'origine, mais que, très vite, elle est remplacée par des influences plus positivistes, plus axées sur une vision libérale, internationaliste et juridique de la paix et du pacifisme.

L. A. Bamier, l'un des six fondateurs des Jeunes Amis de la paix (précurseur de l'APD), et son premier président, avait fait un voyage en Angleterre «qui l'avait mis en contact avec quelques membres de la Société des Amis (Quakers) gagnés aux idées de paix et d'arbitrage», d'où il rapporte la «foi nouvelle qu'il s'était hâté de faire partager à ses camarades»3. D'après Ernest Roussel, autre fondateur de l'APD, l'Association se présente d'abord comme un groupe de discussion d'adolescents, qui porte le nom de «la Gerbe». Pour lui, l'influence prépondérante des idées protestantes est tout à fait évidente : «La "Gerbe" était d'esprit protestant, car nous étions en majorité d'origine huguenote, ce qui est naturel à Nîmes. Nous représentions diverses

nuances de croyances religieuses. A vrai dire, je crois bien qu'un seul de nous avait vraiment la foi; il est devenu pasteur et admirable pasteur. Mais nous étions tous des fils de la réforme, par l'esprit critique et la foi en la valeur de l'esprit et de la conscience4» .

L'APD est donc à l'origine d'inspiration protestante, mais elle développe très vite une analyse du pacifisme qui s'inspire plus d'idées juridiques, internationalistes, voire positivistes.

L'APD au centre du pacifisme français

L'Association exerce déjà, au début des années vingt, une quasi-hégémonie sur le pacifisme français5. Elle en est en quelque sorte le point de convergence6.

Il semble pour autant difficile d'en définir la taille. D'après les chiffres donnés dans La Paix par le droit, le nombre d'adhérents aurait varié entre 5 000 et 7 000 dans l'entre-deux-guerres. Le tirage de la revue est aussi un indicateur précieux. En 1920, la PD a un tirage de 5 000, mais en 1924 il s'élève à 8 000 (chiffre déjà atteint juste avant la guerre de 1914), pour tomber à 5 500 en 1 927 et à seulement 5 300 en 1935, malgré une remontée à 7 000 en 1 931 7.

Ceci dit, l'on ne saurait trop insister sur l'importance du phénomène de la balkanisation du pacifisme français de l'entre-deux-guerres, bien avant même l'avènement du pacifisme nouveau style des années trente. Jules Prudhommeaux, à cet égard, écrit déjà en 1926, que même si «le mal n'est pas spécial à la France,... il a atteint chez nous un caractère de particulière gravité.»8 Et il cite comme exemple d'une puissante organisation et d'un mouvement cohérent la «League of Nations Union» en Grande-Bretagne.

Quel type de pacifiste était alors attiré par le pacifisme ancien style de l'APD? Il est nécessaire de distinguer la période qui va jusqu'en 1928 des années qui suivent. Dans la première, le pacifisme français n'était pas encore divisé en deux camps souvent opposés comme c'est le cas dans les années trente. Donc, dans les années vingt (et même jusqu'en 1932), on voit les Félicien Challaye et les Léon Emery militer aux côtés des Jules Prudhommeaux et des Théodore Ruyssen dans le combat pour

la paix. Pourtant, dès le milieu des années vingt, une ligne de fracture s'est fait jour au sein des pacifistes. En 1924, Edmond Vermeil avait déjà noté, lors du XXIIIème Congrès international de la paix à Berlin, les débuts de cette divergence croissante dans le camp pacifiste entre ce qu'il appelait les pacifistes «modérés» et les «intransigeants». Cette différence d'approche des problèmes de la paix était surtout évidente dans les débats sur le désarmement9. Pour Vermeil et aussi pour l'APD, le pacifisme devait être avant tout «positif», c'est-à-dire oeuvrer pour la création d'un système de droit international positif qui «organiserait» la paix : «Seulement, il est clair qu'il y a, dans le pacifisme actuel, une tendance à l'absolutisme, à l'idéologie, aux déclarations péremptoires et définitives qui règlent tout dans l'abstrait, mais n'amorcent rien dans l'ordre des réalités présentes, immédiates et quasi-tragiques où, bon gré mal gré, nous nous mouvons aujourd'hui... Il faut, non pas seulement décréter, mais "organiser" la paix»10.

L'importance de l'inspiration juridique dans le pacifisme ancien style de l'APD - qui le différencie nettement d'une grande partie du pacifisme anglo-américain et allemand, et aussi du pacifisme intégral naissant - se voit très clairement dans la citation suivante tirée d'un rapport présenté à la Commission des affaires étrangères de la Chambre des députés par Pierre Cot, futur ministre de l'Air, et publié ensuite dans la revue. Cot définit ce qu'il appelle «La Conception française de la lutte contre la guerre» en 1929 comme suit :

«Pour la France, l'essentiel du problème est moins de prononcer contre la guerre un anathème solennel et platonique que de travailler à l'organisation de la paix. Le pays de Descartes et de Voltaire préfère les techniques aux cantiques... Il faut donc préparer la paix plus que la guerre. Pour reprendre un mot saisissant de M. Henry de Jouvenel: «Si en juillet 1914 la guerre a éclaté, c'est que tout était prêt pour la guerre et rien pour la paix». L'Anglo-Saxon, a-t-on dit, fait le tour du monde avec sa Bible et le Français avec son Code. Ne rougissons point de ce penchant naturel et national. Nous avons de la paix une conception plus juridique que mystique. Mais le droit, lui aussi, suppose un idéal»11.

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