Amours fantastiques

Le thème de l'union d'un être humain avec un être surnaturel, qu'il soit esprit, fée, monstre, vampire, revenant, fantôme, ou quelque créature mystérieuse que ce soit est un thème quasiment universel. De nombreux exemples depuis l'Antiquité, où l'union d'un mortel et d'un dieu est chose courante (pensons à Eros et Psyché par exemple), en passant par la Chine et le Japon avec le thème de la renarde (voir Ling Mon-Tch'ou, L'Amour de la Renarde), les sylphes ou diables amoureux en France, les Ondines et autres êtres fantastiques du romantisme allemand hantent la littérature, jusqu'aux écrivains italiens modernes (Pirandello, etc.) ou français {Les derniers matins du monde de Pascal Quignard). On peut légitimement s'interroger sur ce fantasme d'union avec l'Autre, un autre aux pouvoirs différents, surnaturels, mystérieux. Les femmes réelles ne suffisent-elles donc pas ? Quelles perversions poussent donc les hommes à rechercher ces unions extraordinaires et quels sens ont- elles ?

Si l'on songe à l'union de Raymondin et de Mélusine, on s'aperçoit que la fée apporte avec son amour les richesses et le pouvoir. Car de tels êtres ont toujours non seulement une emprise, mais aussi des pouvoirs supérieurs aux humains. Rêve de toute puissance ? Nul doute que Clarimonde n'apporte avec elle des plaisirs, du luxe et de la volupté, point communs aux simples mortels et que Spirite ou Serpentine ne donnent, à Guy de Malivert ou à Anselme, accès à des révélations et à des connaissances qui échappent au vulgaire. Pouvoir magique de l'amour qui ouvre des portes donnant accès à des mondes inconnus, supérieurs, autres, les faisant échapper à l'identité commune de la vie bourgeoise. Cette attirance pour l'Autre ne signifie-t-elle pas aussi l'insatisfaction de sa propre existence ? Guy de Malivert est un dandy insatisfait de la société dans laquelle il vit. Anselme n'est-il pas angoissé par la destinée bourgeoise d'une carrière mesquine et vouée aux apparences ? Tout cela ne