■ GINETTE MICHAUD, université de Montréal

L'autobiographie comme conversion esthétique*

les derniers écrits de Gabriel le Roy

Je peux parler d'elle sans gêne. Cette enfant que je fus m'est aussi étrangère que j'aurais pu l'être à ses yeux si seulement ce soir-là, à l'orée de la vie comme on dit, elle avait pu m'apercevoir telle que je suis aujourd'hui. De la naissance à la mort, de la mort à la naissance, nous ne cessons par le souvenir, par le rêve, d'aller comme l'une vers l'autre, à notre propre rencontre, alors que croît entre nous la distance.

Gabrielle Roy,

La Détresse et l'Enchantement,

p. 80.

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Jk rançois Ricard formulait il y a quelque temps une hypothèse intéres- ^^^ santé au sujet de l'œuvre de Gabrielle Roy, l'élisant, « pour qui étudie ■I l'autobiographie littéraire », comme un objet d'étude tout à fait privilégié, dont l'intérêt dépassait largement, précisait-il, « le seul cadre de la littérature québécoise et canadienne (i) ». Quiconque a lu l'œuvre de Roy et tout particulièrement ses derniers écrits ne peut que souscrire à cette observation, et je voudrais à mon tour faire écho à cette hypothèse en soulignant quelques-uns des traits qui ont fait de l'écriture autobiographique une aussi exemplaire démarche, où l'écrivain approfondit avec une rare lucidité le transfert complexe qui se produit entre la « vie » et sa « conversion esthétique » dès lors qu'on se retourne sur elle pour en tirer un sens.

Quand autour de 1975 Gabrielle Roy entreprend d'écrire son autobiographie — son autobiographie et non ses mémoires : il en va d'entrée de jeu pour elle d'une distinction fondamentale qui touche la qualité même de l'écriture investie dans ce projet — , elle accomplit sans doute la plus extraordinaire conversion de son parcours d'écrivain, un parcours qui a pourtant

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LITTÉRATURE n° 1 13 - mars 99