LES RIEURS DU BEAU RICHARD : ESSAI D’IDENTIFICATION D’UN ACTEUR

Au sujet des Rieurs du Beau Richard, Pierre Clarac fait un certain nombre de remarques qui ne demandent qu’une seule chose : être complétées à chaque fois que cela est possible0'. Au sujet des «cribleurs » dans la distribution, il donne leurs noms, MM. de La Barre et Le Tellier, et il ajoute : «Un Le Tellier était notaire à Château-Thierry au XVIe siècle », ce qui me fit dresser l’oreille, puisque, comme descendant des Le Tellier, j’avais beaucoup travaillé cette branche, je n’étais donc pas sans bis¬ cuit, et j’espérais pouvoir identifier le personnage en cause.

A Saint-Crépin de Château-Thierry, on remonte les Le Tellier jusqu’au 27 novembre 1546, date à laquelle Marguerite Le Tellier marraine dans cette paroisse. Cette même année, mon ascendante Estiennette Lefebvre, femme de Jehan Josse, a pour compère Jehan Le Tellier.

Pour tenter l’identification de notre person¬ nage, je vous propose l’emploi d’une méthode chère aux mathématiciens, et qu’ils traduisent par ces mots : «Supposons le problème résolu », ce qui ne signifie pas que, ensuite, il n’y a plus qu’à se croiser les bras, bien au contraire, puisque, ensuite, on détermine les conditions que devra remplir la solu¬ tion, ce qui permettra de la déterminer.

Conditions à remplir

Espérons que notre énumération sera suffi¬ sante. Nous pensons que le personnage devra :

— s’appeler Le Tellier,

— appartenir à une famille castelthéodori-cienne ou des environs de Château-Thierry,

— vivre au XVIIe siècle et être d’un âge tel qu’il soit compatible avec la date proposée par Pierre Clarac, et qui ne doit pas être tellement éloi¬ gnée de la réalité, soit 1 659-î 660,

— la position sociale de cette famille doit être du même ordre que celle des de La Fontaine,

— entre elles, les deux familles, La Fontaine et Le Tellier, doivent être en relations plus qu’épisodiques.

La famille Le Tellier

Nous verrons sa situation dans la première partie du XVIIe siècle. Il y a alors à Château-Thierry une famille du nom qui, par son importance numé¬ rique éclipsait toutes les autres ; celles-ci apparais¬ sent fort peu. En gros, la famille Le Tellier que nous évoquons est la seule qui émerge vraiment à l’échel¬ le locale.

Le chef de famille est Pierre Le Tellier, il est procureur, c’est l’état de prédilection des hommes, qui font essentiellement dans la basoche. La mère de famille est Nicole Brayer, de la saga des Brayer, que l’on rencontre assez fréquemment dans la biogra¬ phie du Fabuliste'2'. Les enfants sont nombreux, mais nous ne retiendrons que les deux garçons :

Pierre Le Tellier, qui succéda à son père dans l’emploi de procureur ; ce père est mort pré¬ maturément ; c’est mon ascendant direct.

Jehan Le Tellier, avocat. Par achat, ce per¬ sonnage a acquis le fief de La Forte-Maison, sis à Nogentel'3' ; c’est là que se trouve un prêche de la R.P.R. Ceci nous amène à signaler au passage la grosse différence que l’on constate entre les familles La Fontaine et Le Tellier. Alors que les premiers sont unanimement catholiques, les seconds frayent énor¬ mément avec le protestantisme. A Nogentel, un Jean Le Tellier a épousé Mademoiselle de Nogentel.

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