Hameçons en nacre et limes en pierre d'Océanie et de l'Océan Indien : analyse d'une tendance.

par

Vincent CHARPENTIER * et Sophie MÉRY

Introduction

Du fait de l'existence d'un upwelling l le long de la côte de l'Arabie orientale, les eaux de l'Oman sont parmi les plus poissonneuses du Moyen-Orient : d'immenses bancs de sardines remontent chaque année les côtes de l'Océan Indien, voies de migration saisonnière de nombreuses espèces, dont les thonidés. Très tôt, les sociétés préhistoriques ont intensément exploité ce milieu particulier. Certainement capturés à partir d'embarcations, les thons (Scombridae) sont attestés dans la plupart des habitats des Ve-IVe millénaires de Ra's al-Hamra près de Mascate (Sultanat d'Oman). Plus rares sont les sites à avoir livré des milliers de sardines et d'anchois, péchés à l'épervier (Uerpmann, Torke & Frye 1983, Biagi & alii 1984 : 49-50). Le long de la côte de l'Océan Indien, fouilles et prospections ont livré beaucoup d'hameçons en nacre. A plusieurs reprises, de petits bâtonnets en calcaire ont été découverts, outils que nous proposons d'interpréter comme des limes destinées à la fabrication de ces hameçons. Ces limes sont morphologiquement très proches d'objets utilisés en Polynésie orientale et nous nous proposons d'explorer ce que peut recouvrir une telle convergence.

La Culture Matérielle des sociétés des Ve-IVe millénaires

Dans les derniers millénaires de la préhistoire de l'Arabie orientale, les sites d'habitat implantés le long du littoral deviennent plus vastes et témoignent d'une moindre mobilité des populations, voire même d'un début de sédentarisation saisonnière 2. D'importantes nécropoles s'associent à ces habitats des Ve et IVe millénaires : les sites de Ra's al-Hamra en sont de bons exemples. Si la chasse paraît limitée à cette époque, l'élevage semble déjà bien présent. Tout au long de cette période, l'industrie lithique, parfois laminaire, constitue l'essentiel de l'outillage. Les sites côtiers livrent aussi en grand nombre des poids de filets de dimensions variées, pierres ou coquilles d'huîtres rainurées, ou encore galets à encoches latérales. Au cours de ces deux millénaires, le travail de la coquille est à son apogée : hameçons et pendentifs en feuilles de laurier sont extraits de la nacre, pendant que des bracelets composites sont fabriqués à partir de gros Coni- dae, de S trombus decorus decorus R. ou de Fas- ciolaria trapezium L. (Charpentier sous presse). De petits coquillages perforés — notamment Engina mendicaria L. — jouent déjà un rôle important dans la parure.