CHRONIQUES
Regards sur le «Deutsches Literaturarchiv » de Marbach
Entretien avec Almuth Grésillon
Jochen Meyer
Almuth Grésillon -Vous dirigez le département des manuscrits du «Deutsches Literaturarchiv » à Marbach (Allemagne ), et cette impor¬ tante collection est organiquement liée à un musée littéraire, le «Schiller-Nationalmuseum » : pourriez-vous rappeler brièvement l 'histoire de votre institution, en soulignant en même temps l'originalité de votre maison, à la fois par rapport aux autres collec¬ tions de manuscrits littéraires en Allemagne et par rapport à la situation correspondante en France ?
Jochen Meyer -A Marbach, ville natale de Friedrich Schiller, ont été fondés à la fin du xixe siècle le «Schiller-Archiv » et le «Schiller-Museum». Cette création se situe dans un contexte culturel particulier. A la différence de la France, l'Allemagne possédait certes les grandes biblio¬ thèques des «Lânder » (Staats-bibliothek de Munich ou de Berlin), ou d'importantes bibliothèques universi¬ taires (Gôttingen ou Dresde), qui disposaient de collections de manus¬ crits, mais il manquait une véritable Bibliothèque nationale. A la suite de la fondation de l'Empire allemand en 1870, et dans le sillage de la «Geistes-geschichte » fondée par Wilhelm Dilthey, ce même philosophe a souli¬ gné l'importance de la création
Fig. 1 : Lettre d'Else Lasker-Schùler à Franz Marc du 1er novembre 1913 (Literaturarchiv Marbach).
d'Archives littéraires nationales. Ses propositions n'ont certes été pleine¬ ment réalisées qu'après la deuxième guerre mondiale, mais la fondation du «Goethe-und Schiller-Archiv » à Weimar (1886) et celle des Archives et du Musée Schiller à Marbach (1896) ont été directement inspirées par ces idées. Pour Marbach, on cherchait à créer non seulement une sorte de
mémorial pour Schiller, mais aussi pour les autres poètes souabes de renom, tels par exemple Ludwig Uhland, Justinus Kerner ou Wilhelm Hauff. Dans certains cas où les papiers laissés par un poète à sa mort étaient déjà partis ailleurs -ceux de Eduard Môrike, par exemple, avaient été vendus aux archives de Weimar -, Marbach s'attacha à créer progressi¬ vement une collection de manuscrits et d'autographes digne de ce nom. Celle qui concerne Morike est en effet consi¬ dérable. Il en va de même pour un autre poète souabe, Christoph Martin Wieland.
A. G. -Vos collections de manuscrits sont-elles le résultat d'achats ou de dons ?
J. M. -Des deux, dès le début. À l'ori¬ gine, un banquier-mécène a été à l'ini¬ tiative d'acquisitions considérables : seul un dépouillement récent des archives du «Schillerverein » (l'asso¬ ciation Schiller créée en 1895) a mis au jour le rôle immense qu'il a joué. Il faut savoir en effet qu'à l'époque le fonds d'un poète comme Uhland, aujourd'hui tombé dans l'oubli, mais alors tenu pour l'un des plus grands en Allemagne, coûtait fort cher ! Quant aux dons, on s'imagine parfois qu'il s'agit là de coutumes récentes, mais
Genesis 15, 2001
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