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« C'est cela que c'est, la tragédie » ou les présentatifs dans Électre de Giraudoux

[article]

Année 2003 96 pp. 43-53
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« C'EST CELA QUE C'EST, LA TRAGÉDIE » OU LES PRESENTATIFS DANS ELECTRE DE GIRAUDOUX

Cécile NARJOUX

Les presentatifs, qui permettent d'apporter une information nouvelle au destinataire de l'énoncé, occupent une place de choix dans la pièce de Giraudoux. Si leurs occurrences sont si nombreuses, ce n'est pas seulement parce qu'ils constituent des marques remarquables de l'oralité dont on peut supposer que Giraudoux a souhaité teinter la parlure de ses personnages. Les presentatifs participent d'une stratégie discursive qui consiste à dissocier le processus d'identification du réfèrent et la prise en compte de l'information nouvelle dont il est l'objet. .En outre, de par leur pronom neutre ou impersonnel, ou l'absence même de pronom, ils tendent à masquer l'origine énonciative de l'énoncé présenté. Ils entrent ainsi dans la problématique même de la pièce qui est celle de l'élucidation d'une vérité cachée, qui n'est pas seulement celle que cherche Electre dans l'élucidation du meurtre de son père. La stratégie dramaturgique d'Electre met fondamentalement en jeu et en re-présentation le langage dans son rapport au monde et à la vérité : « C'est cela que c'est, la tragédie ».

On procédera à une étude morphologique des presentatifs, ainsi qu'à l'analyse de leur spécificités syntaxiques, pour déceler in fine dans leurs emplois stylistiques le rôle des presentatifs dans l'établissement de la vérité qui fonde la tragédie.

1. Morphologie des présentatifs

1.1. Origine verbale

Voici/voilà

Voici et voilà apparaissent au xiii© s., formés sur l'impératif P2 du verbe voir auquel est associé l'un ou l'autre des déic- tiques -ci ou -là. L'ancien et le moyen français séparent encore les deux éléments, pouvant y intercaler un pronom conjoint, et utilisent également le pluriel P5. Ce n'est toutefois plus le cas en français moderne, et ce, depuis le xvne s. qui n'exploite plus que la forme P2 figée et antéposé désormais le pronom personnel. Cela exclut désormais son assimilation à l'impératif :

A F : ves la, voyez ci, ou veiz mi ci.

MF : voyez ci argent content ; voy me la prest à boire (Rabelais)

(1) Les voici toutes deux. 604

(2) Regardez. Voilà des mains sales! 609 C)

L'origine verbale de voici/voilà explique qu'on puisse

ployer comme pivot de la phrase minimale et d'autre part qu'il puisse régir des compléments verbaux.

Il y a/Il est

Il y a

Lorigine verbale de la locution impersonnelle il y a et de l'impersonnel // est, qui en est la variante littéraire, est manifeste.

Comme impersonnel, il y a est attesté dès le latin chrétien à la P3 (non habethunc) dans des emplois où habet concurrence est et sunt. Il y a apparaît au xme s. Auparavant, on disait // a (illud habef) suivi du cas régime. La forme sans adverbe est encore en vigueur jusqu'au xvie, en particulier avec la négation :

N'a pas longtemps // Il n'y a pas longtemps.

Le français moderne oral ou familier tend pour sa part à effacer /'/ pour des formules du type : iy a ou y a ; ce qui signale le caractère accessoire du pronom. C'est que la locution n'est pas porteuse de l'accent, contrairement à // est.

Il est

Il est est d'un emploi peu courant en français moderne, essentiellement réservé à l'écrit. Cela ne résulte en rien d'un déclin de la forme au profit de il y a puisque « cette forme n'a jamais été courante, même en ancien français. Elle est manifestement un latinisme et comme tel, une ressource de la seule langue écrite » (2). // est, en moyen français, est même concurrencé par il sont forgé sur le modèle latin sunt quicenseat, suivi d'un substantif au pluriel ou d'un substantif à valeur collective. Néanmoins, /'/ est, par un souci d'alignement avec les autres verbes impersonnels, l'emporte sur /'/ sont. C'est en réalité // existe, installé en français fin xvie, qui vient concurrencer durablement // est, à partir du xvne.

C'est

L'ancien français conjuguait à toutes les personnes le verbe être et considérait le démonstratif comme un attribut : ce sui(s)je, ce es tu, ce est il, ce sommes nous, ce estes vous, ce sont il(s). C'est en moyen français que c'est moi vient durablement concurrencer ce suis je, ce sommes nous, ce sont eux. En effet, en ancien français, « ce » était attribut

1 . Les indications de pages renvoient à l'édition de référence : Théâtre complet, La Pochothèque, LGR 1991.

2. R.-L Wagner, 1980,95.

L'Information grammaticale n° 96, janvier 2003

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