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Étude stylistique : les douceurs de la déploration

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Année 1997 72 pp. 25-27
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ETUDE STYLISTIQUE : LES DOUCEURS DE LA DÉPLORATION

C. JULIA

« Que nos plaisirs passés augmentent nos supplices ! Qu'il est dur d'éprouver, après tant de délices,

Les cruautés du sort !

Fallait-il être heureuse avant qu'être coupable ?

Et si de me haïr, Amour, tu fus capable

Pourquoi m'aimer d'abord ?

Que ne punissais-tu mon crime par avance !

Il est bien temps d'ôter à mes yeux ta présence,

Quand tu luis dans mon cœur!

Encor si j'ignorais la moitié de tes charmes !

Mais je les ai tous vus : j'ai vu toutes les armes

Qui te rendent vainqueur.

J'ai vu la beauté même et les grâces dormantes.

Un doux ressouvenir de cent choses charmantes

Me suit dans les déserts.

L'image de ces biens rend mes maux cent fois pires.

Ma mémoire me dit : « Quoi ! Psyché, tu respires,

« Après ce que tu perds ? »

Cependant il faut vivre ; Amour m'a fait défense D'attenter sur des jours qu'il tient en sa puissance,

Tout malheureux qu'ils sont.

Le cruel veut, hélas ! que mes mains soient captives.

Je n'ose me soustraire aux peines excessives

Que mes remords me font. »

C'est ainsi qu'en un bois Psyché contait aux arbres

Sa douleur, dont l'excès faisait fendre les marbres

Habitants de ces lieux.

Rochers qui l'écoutiez avec quelque tendresse,

Souvenez-vous des pleurs qu'au fort de sa tristesse

Ont versé ses beaux yeux.

La Fontaine, Les Amours de Psyché et de Cupidon, l'Intégrale, p. 434.

Cet extrait du livre second des Amours de Psyché et de Cupidon fait partie de l'épisode du séjour auprès du vieillard et de ses filles. Constitué de strophes consacrées à déplorer la perte d'Amour, il est l'un des fragments poétiques insérés dans le récit. Comme ailleurs dans l'œuvre, la versification marque le passage au grand style. Elle correspond à l'ennoblissement d'un monologue de déploration qu'« Une siérait guère bien à la prose de décrire » 0). Dans cette séquence de cinq strophes de sizains composés d'alexandrins et d'hexasyllabes alternant régulièrement, la tonalité dominante est celle, méditative, analytique et élégiaque, qui caractérise les stances lyriques (2). On analysera ici les marques formelles de la tonalité élégiaque, puis celles du pathétique, et enfin celles de l'atténuation de ce pathétique.

I. Un monologue élégiaque

1. Discours rapporté et commentaire auctorial : les enchâssements d'énonciations

Les quatre premières strophes, dont l'énonciateur est Psyché, constituent un monologue rapporté au style direct, dont la composition fait se succéder des séquences séman- tico-discursives de volume inégal ne correspondant pas régulièrement aux volumes strophiques. L'exclamation élégiaque

1 . Les Amours de Psyché et de Cupidon, p 409.

2. J. Scherer, dans La dramaturgie classique en France, Nizet, 1983, note que les stances sont une variante métrique du monologue théâtral.

des v.1-4 précède une apostrophe à l'Amour (v. 5-12), que suit une séquence de remémoration amoureuse (v. 13-16). Dans les deux vers suivants (v. 1 7-1 8 : Ma mémoire me dit : « Quoi! Psyché, tu respires/Après ce que tu perds?»), le dispositif d'enchâssement des énonciations, dont les étage- ments sont un des traits du texte (le récit des Amours de Psyché est lui-même enchâssé dans un récit premier), se complique ici du fait que ces deux vers sont eux-mêmes un fragment de discours direct, correspondant à un dialogue entre deux instances du moi de l'énonciateur. La dernière séquence du monologue de Psyché, qui est une auto-exhortation, correspond au sizain suivant. La dernière strophe des stances a pour énonciateur l'Auteur, cette figure en laquelle se confondent le personnage de l'auteur dans la fiction, Polyphile, et la figure construite par le texte de l'auteur in fabula. Elle commente les vers qui précèdent.

Ces décalages entre les séquences de volume irrégulier consacrées à l'expression de diverses phases de la déploration amoureuse et la régularité des strophes sont un des éléments de la tension entre symétrie et déséquilibre qui caractérise le passage.

2. Les dominantes de la rhétorique de la déploration

La tonalité élégiaque est marquée formellement, d'abord, par les modalités phrastiques. L'exclamation (v. 1 , v. 2-3, v. 7, v. 8, v. 10, v. 17, v. 22) soutient l'expressivité des diverses

L'Information grammaticale n° 72, janvier 1997

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