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L'emploi asubjectal de formes verbales passives en tswana

[article]

Année 1994 62 pp. 32-35
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L'EMPLOI ASUBJECTAL DE FORMES VERBALES PASSIVES

EN TSWANA

Denis CREISSELS

Le tswana (shswdnd, parlé au Botswana et en République sud- africaine) est une des principales langues bantoues d'Afrique Australe, répertoriée comme S31 dans la nomenclature de Guthrie. Parmi les langues voisines, le tswana a une parenté particulièrement proche avec le sotho (sisûthô, dit aussi » sotho du Sud», parlé au Lesotho et en République sud-africaine) ainsi qu'avec le pédi (sipèdf, dit aussi « sotho du Nord », parlé en République sud-africaine), et du point de vue strictement linguistique, il est justifié de considérer que ces trois langues constituent en fait trois variantes d'une langue unique. La standardisation de ces langues et leur usage dans l'enseignement scolaire remontent à des travaux effectués par des missionnaires dès la première moitié du 18* siècle.

Les phrases tswana sont données ici dans une transcription phonétique large selon les conventions de l'API, car autrement l'analyse pourrait être gênée par le fait que l'orthographe usuelle de cette langue néglige certaines distinctions phoniques importantes pour l'analyse- morphologique du verbe (notamment les distinctions tonales). A l'exception de d et I, qui constituent en tswana deux variantes d'un même phonème et pour lesquels ont toutefois été conservés deux symboles distincts, cette transcription est une transcription large, qui enregistre toutes et rien que les distinctions phoniques pertinentes. Les phrases sont découpées en mots phonologiques sur la base de phénomènes tonals qui, en tswana, caractérisent les limites de mots ; ce découpage est très différent du découpage orthographique, qui fait souvent apparaître comme plusieurs mots successifs ce qui phonologlquement constitue un mot unique. L'accent aigu et l'accent grave notent respectivement le ton haut et le ton bas.

L'organisation de la prédication verbale en tswana se résume par la formule suivante, où NS = constituant nominal sujet, s = indice de sujet, o = indice d'objet, V = base verbale, NO = constituant nominal d'objet, NX = constituant nominal en fonction autre que sujet ou objet :

(NS) s-(o-)V (NO) (NX)

Cette formule ne tient compte que des éléments du mot verbal directement liés à la fonction predicative (indices de sujet et d'objet). Selon les tiroirs verbaux, divers morphèmes peuvent précéder ou suivre l'indice de sujet, et la terminaison de la base verbale peut varier ; par exemple 0) :

« je te cherche » « je t'ai cherché » « je ne te cherche pas » « je ne t'ai pas cherché »

1 . On remarquera qu'en tswana, la négation s'exprime par des variations du mot verbal qu'il n'est pas possible d'isoler totalement de celles exprimant des distinctions de type aspectuel ou modal.

variations

IS

IO

BV

kl

à x<à

bâti à

ki

bâti île

X*

ki

bâti t

ki

a x<a

bâti a

Plusieurs tiroirs verbaux distinguent une forme conjointe et une forme disjointe <2>. La forme conjointe apparaît si le verbe est suivi d'un élément ayant la double propriété d'appartenir à la structure phrastique dont ce verbe est le centre et de constituer un apport d'information ; si ce n'est pas le cas, c'est la forme disjointe qui est choisie. En particulier, un verbe en fin de phrase ne peut être qu'à une forme disjointe.

Par exemple, dans riàbérékâ* ltrànâ « Nous travaillons nous aussi », le verbe est à la forme disjointe du présent positif, tandis que dans ribérékà râtthè « Nous travaillons tous », le verbe est à la forme conjointe correspondante. Or rôrthé « nous tous » apporte une précision pertinente (« Nous travaillons, mais pas tous » est un énoncé concevable), alors que llrànâ « nous aussi », qui est le rappel d'un élément thématique, n'admet pas une possibilité comparable de négation.

Que le constituant nominal sujet soit ou non explicité, les formes verbales du tswana autres qu'impératif et infinitif comportent nécessairement un indice de sujet, dont le choix reflète la répartition des formes nominales du tswana en 16 classes d'accord (4 pour l'interlocutif et 12 pour le délocutif) ; par exemple :

NS

IS

rjwànâ

tâ-

« L'enfant te cherche »

ltpodîsî

âx<âbâtià

« Le policier te cherche

qhosî

li-

axtâbâtià t-âxôbâtià

« Le chef te cherche »

Le sujet a avec la notion de thème une relation plus étroite en tswana que par exemple en français. Je n'ai relevé dans des textes tswana aucune phrase où un mot de sens interrogatif ou négatif figurerait en position de sujet, et les informateurs consultés jugent qu'une telle phrase serait incorrecte ; autrement dit, la construction de phrases françaises telles que Qui t'a dit ça ? ou Personne n'a compris ne peut pas être transposée telle quelle en tswana. L'explication est que, si le sujet d'une phrase tswana n'est pas nécessairement un élément thématique imposé par le contexte, il doit toutefois être au moins thématisable : sa signification intrinsèque ne doit pas être

2. Cf. D. Creissels, « La tonalité des finales verbales et la distinction entre formes verbales conjointes et formes verbales disjointes en tswana », à paraître dans Linguistique Africaine.

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L'Information grammaticale n° 62, juin 1994

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