Débats
L’ «AGRICULTURE ALTERNATIVE » ? À propos d’un livre de Joan Thirsk
Jean-Pierre POUSSOU*
COMME la céréaliculture et l’élevage -étroitement liés au demeurant1 -constituent les activités dominantes de la paysannerie, il est évident qu’en dehors de la vigne, on a moins prêté attention, pour l’époque moderne, aux autres activités agricoles2. Pourtant, leur rôle a souvent été très important, nonobstant les surfaces réduites qui leur étaient dévolues. Mettre ce sujet en perspective, ouvrir des pistes de recherche et susciter des réflexions, telles sont mes seules ambitions ici.
Bien que ne partageant pas une grande partie de ses positions et tout en regrettant que sa vision trop insulaire -et étroitement agraire -l’ait amenée à gauchir et à réduire ses points de vue, je tiens à indiquer que cet article doit beau¬ coup au dernier livre de la très grande historienne de l’agriculture anglaise qu’est Joan Thirsk : Alternative Agriculture : A History from Black Death to the Present Daf>. Dans cet ouvrage passionnant, accompagné de plusieurs articles se rap¬ portant au sujet4, Joan Thirsk en a proposé pour l’Angleterre une sorte de théorie générale, érigeant en agriculture «alternative »5 tout ce qui n’est pas cul¬ ture céréalière ou élevage. Elle englobe sous cette expression, en réalité, toutes les pratiques agricoles qui rompent avec les systèmes agraires dominants, basés sur les céréales et la viande, ce qui, dans le cas de la France, amène à s’interroger sur la vigne, qui y tient une grande place dès le Moyen Age, et sur laquelle, d’ailleurs, elle ne s’explique pas. Relèvent de «l’agriculture alternative » non seulement les «cultures industrielles », mais aussi l’activité des maraîchers, des jardiniers et des arboriculteurs quand cela correspond pour eux soit à une activité principale, soit
Université de Paris Iv-Sorbonne, Institut de recherches sur les civilisations de l’Occident moderne,
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1. Ainsi, dans le cadre de l’assolement triennal. Le but est commun : assurer la subsistance et, en sus, obtenir un peu d’argent frais, par exemple grâce à la laine des moutons.
2. Histoire et Sociétés rurales y compris : il suffit de regarder la table des matières.
3. Thirsk, 1997. Sur cet ouvrage, cf. mon compte rendu, infra, p. 185-187.
4. Notamment celui paru l’an passé : THIRSK, 1999. Voir en particulier le résumé de l’article et les pages 12 et 13.
3. Le Robert justifie tout à fait l’emploi du mot en français car l’une de ses significations, venue de l’anglais, est : «qui constitue une solution de remplacement».
Histoire et Sociétés Rurales, n° 12, 2e semestre 1999, p. 131-147.
