L'enfance, point de départ

Sans aucun doute, c'est ma mère qui m'a initié au voyage.

Je rapporte ici ce qu'elle m'a raconté. Une simple anecdote, à ses yeux sans importance. Mais pour moi, une image frappante qui m'a, toute ma vie, accompagné dans mes désirs de quêter l'au-delà, tant dans son sens littéral que spirituel. Et la voici.

Venant d'ouvrir leur nouveau magasin, mes parents se mirent à y entreposer leurs marchandises. Ne sachant que faire de leur bébé tout emmailloté, moi en l'occurrence, ils le déposèrent sur le comptoir. Et là, quelles découvertes ! Au-dessus de ma tête, l'ampoule électrique distillait une lumière vive que je fixais, paraît-il, avec obstination, ne pouvant détacher mon regard de son incandescence. À mes pieds une balance et, derrière moi, une étagère remplie de gros bocaux en verre de confiseries de tous genres.

Inconsciemment, j'ai toujours été très attiré par la lumière et, consciemment, je l'ai sans cesse recherchée. La fascination éprouvée par le bébé s'est prolongée dans le rêve et une quête consciente de l'adulte qui l'a élaborée en recherche de connaissance de soi et d'au- trui. Pour moi donc, voyager n'est rien d'autre qu'une démarche constante permettant de se distancier de soi pour retrouver l'Autre en soi. C'est aussi l'ouverture vers Vautre différent, l'inconnu des êtres et du monde qui est devenu, tout au long de ma vie, une nécessité absolue. Il s'agit moins de parcourir les terres du monde que de scruter sa distance intérieure, la suivre, la traquer dans le tunnel qui mène infailliblement à la lumière. Dans cette recherche de Tailleurs qui est en nous se glisse implicitement l'abolition de l'espace et du temps. Il faut dire que j'ai toujours été brouillé avec ces deux critères, les dates repères me font horreur. Impossible de retrouver

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dans le passé celle d'un séjour, d'une arrivée, d'un départ, moments VUy ClU W pourtant privilégiés de la vie et du voyage. Donc, si temps et espace ne sont pas spécifiquement marqués, il n'en reste pas moins que, Q I I l^OI |t pour moi, l'aventure du vivre reste absolument battante et palpi-

Dans ce processus de voyage, une autre image de mon enfance s'est imposée à moi d'une façon quasi-permanente elle aussi. Petit garçon, je chevauchais un bâton dans les rigoles en face du magasin. Non le balai de la sorcière, plutôt le cheval de Troie prêt à tout pour conquérir les espaces infinis de l'imaginaire. Littéralement, il n'allait pas très loin, seulement jusqu'à une autre rigole devant la Cité Lyon. Celle des cheminots de la SNCFT, logés dans cinq rangées de maisonnettes coquettes, séparées les unes des autres par des haies de hétti

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