Ann. Géo., no 649, 2006, pages 259-269, © Armand Colin Le Canada et la nature: quelques réflexions à l’échelle d’un pays 1
Canada and Nature: some reflections at the scale of a country
Cole Harris
Professeur émérite, Département de Géographie, Université de la Colombie-Britannique
Résumé
Abstract
Introduction
Si, suivant Paul Vidal de la Blache, la France est une médaille frappée à l’image d’un peuple, cela n’est possible que dans un pays connu, vécu et borné, soit un pays où les gens et la terre s’entremêlent à travers les siècles et les millénaires. Ces conditions n’existent pas au Canada. Jusqu’au XXe siècle, les limites du territoire n’étaient pas connues, et l’étendue du pays ainsi que les rendements de la terre restaient à découvrir. Bien que la terre fût occupée depuis longtemps par les peuples autochtones, leur emprise fut rudement brisée par un colonialisme agressif et l’arrivée des immigrants en quatre siècles seulement. Les conditions sont donc opposées: en France espace borné et temps étendu, au Canada espace étendu et temps borné. Toute réflexion sur les rapports entre les gens et la nature au Canada et en France doit tenir compte de ces conditions différentes. Même aujourd’hui, alors que les technologies agressives dominent une vie devenue largement urbaine, l’influence de la nature sur la vie ne peut être en France ce qu’elle est au
1 Je remercie Étienne Rivard, Philippe Le Billon, et surtout Éric Taillefer et Éric Glon pour leurs conseils linguistiques.